Classique
Un clôture à la fois intime et tellurique du Festival de Saint Denis avec le Requiem de Berlioz dirigé par Gergiev

Un clôture à la fois intime et tellurique du Festival de Saint Denis avec le Requiem de Berlioz dirigé par Gergiev

05 July 2018 | PAR Yaël Hirsch

Ces 4 et 5 juillet, le chef mythique du Mariinsky dirige 400 musiciens et chanteurs de l’Orchestre National de France, des choeurs de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, ainsi que de Radio France dans le Requiem de Berlioz (1837). Un concert monumental et à la fois génialement intime dans la Basilique où son enterrés nos rois de France. Une clôture magique du Festival de saint-Denis.

Commandé par le Ministre de l’Intérieur de l’époque pour honorer la mémoire d’un Maréchal mort dans un attentat, le Requiem de Berlioz est une oeuvre que ce dernier estimait comme son projet le plus aboutie. Il est aussi peu donné car il nécessitait 500 chanteurs et musiciens à l’époque et 400 aujourd’hui. En simple chemise brillante et noire, devant un effectif si impressionnant qu’on ne pouvait voir tous les chanteurs serrés dans la nef, Gergiev performe une direction verticale, visible de tous : la main droite ascensionne et commence à l’arrêt du son qui réverbère tandis que la main gauche bouge près du sol pour demander aux interprètes de tempérer leur puissance. Et c’est en effet le contraire d’un déferlement de son que le maestro nous propose.

Les dix chapitres du Requiem s’écoulent comme un ruisseau aux eaux noirs, contenus, feutrés, quasiment intime. Dès le Requiem et le Kyrie, les voix des hommes profondes, chaudes, viennent du fond de la Basilique tandis que les basses de l’ONF l’emportent sur les violons, tout se passe comme si les instruments ne venaient que souligner un chant unique, personnel, et d’autant plus universel. Le tout est grave, solennel, extrêmement lancinant. Dans ce premier tableau, nous sommes dans le deuil pur et c’est la même gravité qui habite le Dies Irae, plus majestueux que colérique et qui rend la gravité des trompettes d’autant plus majestueuse qu’elle est mate. Les voix des femmes percent mais pour souligner avec hauteur le moment du jugement.

Une douceur sublime gagne le public avec le Quid Sum Miser à l’introduction caressante et où les voix des femmes viennent plaindre toutes nos conditions humaines. L’énergie jaillit à l’invocation inaugurale du Rex Tremendae où dominent les voix d’hommes et où la supplication se fait exceptionnellement urgente. Mais la tension retombe et la nudité humble du pêcheur reprend le dessus quand les femmes interprètent a Capella la fin du chant. La profondeur et l’harmonie de cet immense ensemble si proche culmine dans le Quaerens me et le Lacrymosa, tout en retenue. On arrive quasiment à la légèreté des anges dans l’Offertorium. Le temps d’une pause, le jeune ténor en résidence au Mariinsky, Alexander Mikhailov prend place sur le devant de la scène pendant que l’offrande monte et nous bouleverse par sa puissance, son timbre et l’intensité de sa voix, relevée par les hommes de choeur et la jeu subtil de l’ochestre qui ne l’écrasent jamais et la laissent briller, dans le sublime Sanctus.

En final, l’Agnus Dei un peu plus léger mais toujours aussi chaud, grave et intime finit de nous transporter après une heure trente de concert vers une grace très intérieure, comme si nos n’étions pas des centaines, mais une seule écoute unifiée à la vivre. Un final absolument parfait et inspiré pour ce cinquantenaire du Festival de saint-Denis et qui recommence ce soir, jeudi 5 juillet dans un bis qu’on ne peut que vous recommander très chaleureusement.
visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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