Musique

Claire Diterzi et Marcial Di Fonzo Bo réinventent Rosa Luxemburg

03 May 2010 | PAR Yaël Hirsch

Mis en place et montré pour la première fois en région parisienne à la ferme du Buisson, le spectacle “Rosa la Rouge” est à l’affiche du Théâtre du Rond-Point du 11 au 22 mai. Une création tout à fait originale ou le formidable travail vidéo et le work in progress sonore de Claire Diterzi rivalisent d’inventivité.

Samedi 1er mai, la Ferme du Buisson décide de fêter dignement le travail en donnant à Claire Diterzi et Marcial Di Fonzo Bo champ libre pour montrer leur spectacle très vivant sur la figure marxiste, révolutionnaire et internationaliste : Rosa Luxemburg. La Ferme du Buisson est un trou de verdure et de création au coeur de la ville de Noisy, fief des industries Nestlé. Ce contexte très “corporate” donnait un piquant supplémentaire aux épines de Rosa présentée à un public mélangé : des fans des artistes et des locaux prêts à faire la fête. Après avoir visité l’exposition du centre d’art contemporain consacrée à l’artiste allemand conceptuel Wolf von Kreis, nous sommes donc entrés dans le grand théâtre de la Ferme du Buisson pour célébrer Rosa Luxemburg.

Et le spectacle commence en toute beauté avec la chanson provoc’ et drôle (en écoute sur myspace) “Touche ta masse”. Transmuant la classique psychologie des foules en rodéo érotique, Claire Diterzi fait éclater son superbe timbre haut placé, et valser ses cheveux roux, son pantalon large, ses bottines rouges et son top tout en dentelle trouée au rythme de son excellent groupe et des vidéos projetées sur des draps transparents. Ceux-ci dévoilent des danseurs légérement vêtus, torses nus et carressant leurs fesses en mouvement. Claire Diterzi et ses musiciens suivent également les artefacts de dansseurs dans leur chorégraphie, si bien que l’immense scène de la ferme du buisson semble aussi remplie qu’une grosse production d’opéra. Puis les choses se calment un peu, Diterzi expérimente les sons, la musique et sa voix pour parer Rosa Luxemburg de mille couleurs et nous raconter, en lettres et en chansons, sa vision de la révolution. Un vision féminine et ouverte, qui décrit aussi bien l’alienation économique dans l’ensemble du monde que les difficultés de la wonderwoman contemporaine gâtée et débordée. Avec de minutieuses boites à musiques, aussi bien qu’avec de grandes portes qui claquent, sa guitare-kalachnikov ou un vieux micro de radio des années 1950, Diterzi nous emmènent dans un monde un peu fou, encore épicé par les sublimes vidéos de Patrick Volve. Reprenant de “Tableau de chasse” son idée de parodier la chanson réaliste “La vieille chanteuse”), et le liant aux rêves de ménage heureux de Rosa, Diterzi décrit un foyer tranquille. Elle danse par écran interposé en Barbie-soprano installée avec son Ken incarné sur la toile par Lambert Wilson.

Révolutionnaire, tant au niveau du message que de la forme, “Rosa la Rouge” ne tombe jamais dans le cliché misérabiliste. A la question “Qu’est ce que la liberté?”, les écrans frétillants de Marcial Di Fonzo Bo répondent par des noms, des mots, ou des phrases décalées du type “Toutes les femmes qui, comme Eve, croquent chaque jour la pomme”. Visuellement, du rouge est mis aux panoramas industriels trop tristes de notre monde, et les esclaves antiques sont invoqués à travers la figure de Kirk Douglas dans “Spartacus”. La vidéo où de nombreux opprimés du monde entier reprennent la mâchoire de Kirk Douglas et de ses suiveurs criant tous à la répressive Rome “I am Spartacus” pour sauver le leader des damnés de la terre de la torture, est une oeuvre en elle-même, d’une puissance infinie sur la solidarité des masses. Le spectacle se clôt sur la chanson très “art déco” de Rosa Luxemburg, et sur un set d’électro absolument ébouriffant qui donne envie au public d’envahir la scène pour aller danser la révolution avec les musiciens.

Très émue de l’enthousiasme du public, qui l’a applaudie debout, Claire Diterzi a offert en ce 1er mai une sublime reprise de “Madame Rêve” d’Alain Bashung. Bel hommage, sublime chanson, et surtout titre parfaitement approprié, parce qu’aujourdhui la liberté est aussi dans la lutte individuelle et parfois violente pour ses désirs.

“Rosa la rouge”, chant, comedie : Claire Diterzi, musique : Claire Diterzi et 6 musiciens, mise en scène : Marcial Di Fonzo Bo, images Patrick Volve et Claire Diterzi, du 11 au 22 mai, 21h, Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 8e, M° Franklin-Roosevelt, 01 44 95 98 21;

crédit photo : Michal Batory

A la Ferme du Buisson, ne manquez pas le concert de Las ondas Marteles et Candy Clash, samedi 8 mai, à 21h.

Infos pratiques

Katie Holmes dans la peau de la première dame des Etats-Unis
The Real L Word, de la série à la téléréalité
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

9 thoughts on “Claire Diterzi et Marcial Di Fonzo Bo réinventent Rosa Luxemburg”

Commentaire(s)

  • barbara

    Ce spectacle est EPOUSTOUFLANT de création et d’inventivité.
    Le son de LA Diterzi habille ce show. De “tableau de chasse” elle reprends (comme souligné) le son aigrelet de la vielle chanteuse et de ‘Boucle’ (l’album précédent) elle incorpore “je me souviens de la neige” avec un texte (je crois?) adapté à la couleur de Rosa Diterzi.
    Allez-y, courrez voir!!!

    May 5, 2010 at 7 h 02 min
  • Henrietta

    saluons l’inventeur de la Kalach-guitare, un vrai bijou qui joue de la musique pour de vrai!
    Je m’en voudrais beaucoup de manquer ça!

    May 13, 2010 at 20 h 43 min
    • Jodorowsky avait déjà pensé au flinguitare dans son film La Montagne Sacrée. Pas sûr qu’il fût possible d’en jouer, mais l’idée vient de là, je croy.

      May 14, 2010 at 8 h 20 min
  • arthur

    Vu hier, et ô combien approuvé. Par contre la moyenne d’âge dans la salle devait approcher les 60 ans, ça n’a donc pas plu à tout le monde… quel dommage !

    May 16, 2010 at 21 h 21 min

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration