Chanson
Les Karpatt font appel à leur public pour financer leur nouvel album aux influences chiliennes : Valparaiso [Interview]

Les Karpatt font appel à leur public pour financer leur nouvel album aux influences chiliennes : Valparaiso [Interview]

07 May 2018 | PAR Yaël Hirsch

Pour leur 7ème album, le trio des Karpatt se lance auprès de son public pour lui offrir un album aux accents et invités chiliens et le graver dans un studio. Pour entendre leur nouvelle galette, ça se passe sur Ulule avant le 30 mai.

 

Depuis combien de temps connaissez-vous le groupe ?
C’est assez drôle, je les écoutais quand j’avais 18 ans. Aujourd’hui j’en ai 35. Je travaille avec eux en tant que manager depuis presque 8 ans. Je les ai rencontrés après un concert à Paris. Ils préparaient leur septième album studio à Dieppe « Sur le quai ». Nous avons sympathisé et nous nous sommes revus en fin de résidence à Dieppe à la Scène nationale. C’est le troisième album que j’encadre avec ce groupe.

Donc vous réunissez les fonds pour produire ? Comment cela se passe-t-il ?
Ils ont toujours voulu être indépendants. L’autoproduction était une chose très importante pour eux. L’argent est issu du merchandising, de fonds propres réunis. La musique était toujours réalisée dans des conditions d’appartement. Le premier album s’appelle « Sous le ficus » parce qu’il a été enregistré sous un ficus, dans l’appartement du chanteur. Un autre « Dans le caillou » a été enregistré dans une grotte. Chaque titre d’album se rapporte à l’endroit où il a été enregistré.

C’est la première fois qu’ils font appel à leurs fans et aux gens qui les suivent ?
C’est la première fois que nous faisons appel à une campagne de crowdfunding. Nous avons signé le dernier album en label. En tant que manager, je leur ai amené un label. Nous avons fait un essai et nous travaillons avec eux sur deux albums. Mais nous ne sommes pas en contrat d’artiste, nous sommes en contrat de licence. Ils nous suivent donc sur la communication, la sortie de l’album, mais la production de l’album revient au groupe.

Quel est le label ?
Nous sommes chez AT(h)OME, un label historiquement métal mais qui s’est ouvert depuis un bon moment à plein d’autres projets, dont la chanson française. Nous sommes très contents. Nous sommes en édition chez Raoul Breton, les éditions de Gérard Davoust et Charles Aznavour. En tant que manager, ça été pour moi une grande satisfaction. C’était un rêve que j’avais.

C’est donc vous qui les avez amenés là. En quelle année avez-vous signé ?
Il y a deux ans maintenant.

De combien d’argent avez-vous besoin pour produire l’album ?
Nous avons besoin de 15 000 euros. Nous avons fait une très belle tournée au Chili avec les instituts français, l’année dernière. Cela nous a permis de rencontrer pas mal de groupes là-bas et de nous impliquer un peu plus dans la culture latine : les rythmes latins, la cumbia et autres… Nous avons eu envie de collaborer avec ces groupes chiliens que nous allons peut-être intégrer dans notre prochain disque avec des featurings. Nous voudrions aussi pouvoir enregistrer l’album dans un vrai studio avec un réalisateur qui pourrait nous aiguiller sur pas mal de choses : la composition, les arrangements… C’est donc pour cela que nous avons besoin d’un peu plus d’argent que d’habitude. Entre le studio, le mastering et le mix, pour bien produire un album, il faut compter globalement 15 000 euros.

Vous avez trouvé le titre ?
A priori, il sera en rapport avec le Chili : « Valparaiso » car nous sommes complètement tombés amoureux de cette ville. Le chanteur a déjà écrit beaucoup de textes sur le Chili. Nous avons eu l’occasion de jouer dans de très beaux endroits : à l’île de Pâques, à Valparaiso, à Santiago (teatro Nescafe)… L’île de Pâques était magique. Quand on chante en français et qu’on a l’occasion d’aller chanter au pied des Moai c’est extraordinaire. On revient avec beaucoup d’inspirations et c’est ce qui soude le groupe. C’est un trio qui toujours été très lié depuis vingt ans maintenant.

Combien de dates fait-il par an en moyenne ?
Entre 80 et 100 dates pour une sortie d’album. Mais il n’y a jamais de off pour les Karpatt. Même lorsqu’il n’y a pas de nouvel album, nous continuons à tourner au maximum. Contrairement à ce que font beaucoup de groupes, il n’y a pas de réelle césure.

Et Valparaiso arrive après combien d’albums ?
Valparaiso sera le huitième album. Nous avons un double live et sept albums studio.

Les fans du groupe adhèrent-ils au crowdfunding ?
Bien sûr. Certains préfèrent le terme français : « la levée de fonds participative ». Nous avons à peu près 20 000 fans sur Facebook qui nous suivent fidèlement depuis 20 ans. Ceux qui ont 50 ans aujourd’hui en avaient 30 à l’époque et ceux qui en ont 40 en avaient 20. La plupart des fans, tout comme le groupe d’ailleurs, ne sont pas pro-Internet. En tant que manager, j’ai dû les amener à cette nouvelle forme de communication, très intéressante pour certains projets et en particulier les start-up et les projets culturels pour lesquels on a pas forcément accès à des subventions. Nous avons un public fidèle à nos idées, à ce que nous défendons dans la culture. C’est en cela que Karpatt est amené, j’en suis persuadé, à réunir la somme nécessaire.

Quelles sont les plus belles contreparties ?
La plus belle contrepartie est un concert en appartement. Pour 1000 euros donnés, le groupe vient chez vous pour un concert acoustique dans votre appartement pour une fête, un anniversaire, un mariage… Une autre belle contrepartie pour ceux qui aiment l’art : la contrebasse du contrebassiste peinte par Amélie Fish, une amie peintre qui a beaucoup de talent et fait de très belles choses. Depuis quinze ans, elle travaille sur cette contrebasse qu’elle redécore à chaque album. Il y a aussi des T-Shirts, des CD, le CD en avant-première, des débardeurs pour l’été, un magnifique tote bag décoré par Sébastien Thomazo, un artiste breton qui a créé notre mascotte et fait toutes les pochettes de nos disques.

Est-ce qu’il y a des dates de concerts prévues pendant le crowdfunding ?
Alors oui. Une info en avant-première : nous faisons un concert-apéro gratuit le 27 mai à la péniche El Alamein, quai François Mauriac à Paris, de 18h à 20h. Un concert destiné à promouvoir notre campagne de crowdfunding mais aussi cette péniche que nous aimons beaucoup, un lieu qui défend la culture et les jeunes artistes en développement.

Quelle est votre chanson préférée ?
Je suis amoureux d’un de leurs tubes, « Léon », une chanson très douce, très belle. Parmi les chansons plus festives, il y a « Soulève ta jupe », un autre grand tube, « Les jeux olympiques » qui est une très belle reprise d’Henri Tachan. Je suis aussi amoureux de leur album « Montreuil », sorti en 2009 et la chanson « Le théâtre ordinaire » que je trouve magnifique. Les maquettes du dernier album sont assez chouettes et les textes assez prometteurs.

Est-ce qu’ils écrivent en pensant aux améliorations amenées par le futur studio ou bien ce sera simplement la cerise sur le gâteau ?
Je crois que les Karpatt trouvent avant tout l’inspiration dans les voyages, au niveau de la composition, sur laquelle ils travaillent tous les trois. Fred, l’auteur du groupe, nourrit ces textes de souvenirs d’enfance et d’expériences de voyages également. Le prochain album ne parlera que du Chili, de son histoire, des gens que nous avons rencontrés, de sa musique et ses échanges avec la France.

Les Karpatt ont-il des affinités avec des familles de la chanson française ?
Ils ont avant tout une très belle histoire qui les lie à Mano Solo.

Qui faisait en 2006 une levée de fonds participative pour son dernier album !
Oui. Mano a été avant tout un ami pour eux. Il a beaucoup apprécié leur travail et est venu chanter deux fois sur leurs albums. Les Karpatt avaient fait l’une de ses premières parties il y a dix ans et avait remplacé ses musiciens qu’il avait viré sur un coup de sang. Ça a tellement bien marché qu’il les a pris sous son aile et les a embarqués avec lui à l’Olympia. Le groupe a fait deux ans de tournée avec lui. Mais ils ont aussi d’autres inspirations : Allain Leprest bien sûr, les Têtes raides, la Rue Ketanou dont nous sommes assez proches, les Ogres de Barback, toute cette veine de musiciens dans le même style. Après chacun a aussi ses propres influences. Hervé par exemple, le contrebassiste, qui est issu du CNSM de jazz, est fan de rock anglais : Massive Attack, David Bowie… Gaëtan qui est le guitariste solo, avec un style très manouche au très beau phrasé, écoute un peu de tout. Les trois sont assez complémentaires.

Comment avez-vous choisi votre plateforme de crowdfunding ? 
Le choix n’a pas été très dur. En tant que manager, il a déjà fallu que je persuade le groupe, ce qui n’était pas forcément évident. Pour moi Ulule est la meilleure plateforme de crowdfunding pour les projets musicaux. Ils ont un train d’avance sur les autres. Historiquement il y a eu MyMajorCompany mais ils s’adressent davantage à des gens plus connus, ce qui ne nous convenait pas.

Ou bien quelque chose de plus associatif où vous pourriez garder tous les sous pour vous. Ce n’était pas assez qualitatif ?
C’était envisageable mais j’ai fait une belle rencontre avec l’équipe d’Ulule, donc ça s’est fait un peu comme ça.

Y a-t-il un espace mis en valeur sur la plateforme où on peut écouter votre musique ?
Tous les albums sont disponibles sur Deezer et Spotify. Ils sont aussi vendus à chaque concert où nous signons des autographes sur les disques pour toujours entretenir une relation de proximité avec le public. Nous avons aussi un site Internet, une page Facebook et nous développons les autres réseaux sociaux, Instagram et Twitter, mais qui sont pour nous moins faciles.

Et pour les clips ?
Nous avons une chaîne Youtube, Karpatt Officiel, sur laquelle vous pouvez nous retrouver. Pour nos clips, nous avons toujours fait appel à des fidèles qui tombaient amoureux d’une chanson et avaient envie de réaliser le clip. Mais pour notre dernier clip, nous avons fait appel à des professionnels. C’est un clip en infographie, très beau : « Les encombrants ». Nous avons obtenu une subvention et avons mis un peu plus de moyens car nous avions pour objectif d’être diffusés à la télévision. C’est difficile pour l’instant mais nous avons quelques pistes et nous allons nous y remettre pour notre prochain disque « Valparaiso » qui sortira début 2019.

Après 15 ans de musique et une aventure qui a vite croisé le chemin de Mano Solo, Frédéric Rollat Hervé Jegousso et Gaétan Lerat ont été inspirés par “Valparaiso” et pour leur nouvel album parlera de la rencontre de cultures. Nous avons rencontré leur manager, Aurélien Lenglen, qui nous raconte cette nouvelle aventure des Karpatt…

Visuel ©  Banjee

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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