Ridley Scott et le style

06 November 2008 | PAR loic

La sortie du dernier film de Ridley Scott est l’occasion de revenir sur l’ensemble de son oeuvre et de se poser quelques questions sur la place qu’il occupe dans la création hollywoodienne d’aujourd’hui.

Il y a quelques années, les hitchcocko-hawksiens des Cahiers du Cinéma mettaient en lumière certains réalisateurs hollywoodiens avec la notion d’ « auteur ». Ainsi, Lang, Hitchcock, Hawks, Ford et bien d’autres n’étaient pas de simples exécutants mais de vrais artistes, c’est-à-dire qu’avec leur style cinématographique propre, ils parvenaient à donner une vision personnelle du monde. Aujourd’hui, bien que la politique des auteurs ait pris un certain coup de vieux, cette tendance est toujours présente. Michael Mann, Peter Jackson, et Oliver Stone sont désignés comme les auteurs de l’Hollywood contemporain. Qu’en est-il de Ridley Scott ?

scott

 

Ridley Scott est un réalisateur particulièrement en vogue. American Gangster a été une réussite critique et publique et Mensonges d’état, son dernier film, est particulièrement attendu. Cependant, lorsqu’on regarde avec attention sa filmographie, il faut bien remarquer que les chefs-d’oeuvre ne sont pas majoritaires : Alien et Thelma et Louise sont incontestablement des joyaux, Blade Runner et Gladiator des incontournables qui ont marqué leur époque respective. Soit.
Mais, que dire d’Hannibal, de Kingdom of Heaven, d’Une grande année ?
La filmographie de Ridley Scott est loin d’être unanimement brillante, et comporte de nombreux produits purement commerciaux. Est-ce la faute du cinéaste si ces derniers n’ont que peu d’intérêt ? Difficile à dire.

Mais le plus problématique est ailleurs. Si chaque auteur se caractérise par un style clairement définissable et qui lui appartient en propre, Ridley Scott aborde tous ses films avec une esthétique assez différente. Pour définir Scott comme un auteur, il faudrait discerner un élément de style qui traverserait toute sa filmographie et qui serait là d’une manière hiératique, indéniable et qui témoignerait d’une vision particulière du monde. Or, dans Mensonges d’état, son dernier film, rien de particulièrement personnel n’apparaît au niveau du style. Tout concorde pour affirmer que Scott est un excellent artisan : il filme avec 8 caméras à la fois, les décors sont impeccables, sa manière de communiquer par croquis avec son équipe est très efficace. Mais qu’en est-il d’une marque de style ? Pas grand chose, ses derniers films sont plutôt anodins de ce côté-là.

ridley scott

À l’inverse, son grand frère, Tony Scott, se personnalise de plus en plus. Alors que ce dernier a commencé sa carrière avec Top Gun, Jours de Tonnerre, Le dernier Samaritain qui n’ont absolument rien de personnel, ses derniers films (à partir d’Ennemi d’état, en 1998) sont passionnants et montrent une violence des sentiments tout à fait intéressante (Domino excepté). Le duo qu’il a formé avec Denzel Washington pour deux films (Man on fire et Déjà vu) a été particulièrement fécond : les deux personnages que D. Washington a interprétés étaient voués à la vengeance, quitte à aller à l’encontre de l’éthique et de la morale.

Bref, les derniers films de Ridley Scott sont certainement trop conventionnels pour en faire l’égal d’un Michael Mann (considéré comme un auteur à part entière par l’ensemble de la critique française). Et pourtant, souvenons-nous d’Alien : l’univers était d’un baroque étonnant, le minimalisme n’avait d’égale que l’imagination débordante de la mise en scène. À l’époque, Scott a été le premier a travailler avec des dessinateurs de bande dessinée, et cela pour concrétiser au maximum sa vision des décors et de l’atmosphère du film. Cela a abouti à ce que l’on connaît : l’esthétique absolument unique d’Alien.

alien ridley scott

Pour conclure, loin de vouloir appliquer la logique de la politique des auteurs à Ridley Scott, il nous faut dire que ce cinéaste a montré un certain manque d’inspiration stylistique au cours de ses derniers longs-métrages. Alors que d’autres cinéastes, que nous avons évoqués plus haut, sont justement reconnus par la critique, Ridley Scott, lui, reste dans l’ombre. Celle des projecteurs hollywoodiens.

L. Barché

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