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Au cinéma, les grandes dames ne s’amusent pas

Au cinéma, les grandes dames ne s’amusent pas

07 January 2012 | PAR Clementine Athanasiadis

Être noble au titre de princesse ou de reine fait toujours rêver. Pourtant, en vue des biopics qui ont été réalisés, ces femmes sont souvent loin de vivre dans un monde parfait et sont souvent réduites au second plan. Heureusement, certaines ont su afficher plus tôt que prévu des ambitions et des combats qui ont conduit à l’émancipation de la femme.

Qui n’a jamais rêvé d’être une marquise, une princesse, ou pour les plus ambitieuses d’entre nous, reine d’un royaume ? Porter des robes somptueuses, avoir des cheveux longs, soyeux et doux, vivre dans des appartements luxueux, manger jusqu’à faire gonfler sa panse de plaisir, disposer de serviteurs et bien sûr d’avoir un cortège de prétendants. Voilà à peu près pour l’imaginaire qui plane autour de ce titre de Noblesse. Mais cette convoitise se heurte au principe de réalité. Déjà parce qu’à moins d’épouser un noble descendant, le sang bleu ne s’invente pas. Mais aussi et surtout, parce qu’être princesse, dans la représentation qu’on en a, n’est pas franchement à l’ordre du XXIème siècle. Elles sont rarement ambitieuses, très souvent contrôlées par leurs passions envers les hommes et soumises au pouvoir patriarcal. Un balayage de quelques films (pourtant tournés aux XXème et XXIème siècles) suffit pour comprendre combien les grandes dames ont été prisonnières de leurs cages dorées.

Faire partie de la noblesse, en tant que femme, ne recouvre pas que des avantages, bien au contraire. C’est un monde à part où codes, bonnes manières et image de soi sont les maitres mots. Souvent en dehors du monde des réalités, ces femmes, lorsqu’elles sont épouses, n’ont pas de grandes responsabilités et leur rôle consiste à briller devant la société. Une activité qui à défaut de demander un véritable entrainement, ne présente pas de véritable attrait et devient même fastidieuse. C’est donc avec une certaine évidence que la Marie-Antoinette, dépeint notamment par Sofia Coppola dans son film de 2005, s’ennuie dans un monde codifié où elle est incapable de trouver sa place. Alors que son rôle de reine  lui permet à peine de respirer par ses propres moyens, Kirsten Dunst qui interprète le rôle finit par lâcher : « Tout ceci est ridicule » ce à quoi on lui répond « Ceci, Madame, c’est Versailles ». Pas le choix, pas de liberté, faire ce que l’on veut que vous fassiez et devenez ce que la situation impose.

Quand les grandes dames ne sont pas simplement enfermées dans un monde sans saveur, leur léthargie, qu’impliquait l’époque, est mise à contribution pour mieux les utiliser. Face aux hommes, la femme n’a pas de pouvoir et ne présente pas une grande figure. Elle peut au pire subir, au mieux conseiller son époux.  Dans Lucrèce Borgia, réalisé par Christian-Jaque en 1953, Lucrèce, interprétée par la délicieuse Martine Carol, est cruellement passive. Dans cette Rome du XVème siècle, Lucrèce n’est autre qu’un outil politique utilisée aussi bien au gré de son père et que de son frère. Ostensiblement victime d’une époque cruelle pour les femmes, Lucrèce Borgia se mariera coup sur coup trois fois selon les besoins et les nouvelles alliances politiques de ses proches. Son frère, César Borgia, n’hésite pas à tuer maris et amants de la femme pour tenter d’unifier le pays.

Leur malheur semble avoir une source assez claire  leur père ou leur mari. Qui leur font beaucoup d’ombre. La noblesse du sang  réduit souvent la femme au second plan ou à une vie sans relief. Souvent,sa  fonction est limitée à un second rôle silencieux. Les jeunes-femmes restent et demeurent des demoiselles à conquérir pour leur preux chevalier. Les majestés vieillissantes n’intéressent plus et sont reléguées aux appartements privés ou à l’ombre de leur flamboyant époux. Qu’elles sont souvent assez bonnes pour soutenir de toutes leurs forces peu glamours. C’est le cas de Helena Bonham Carter qui joue la Reine Elizabeth dans le Discours d’un roi. C’est en grande partie grâce à sa bienveillance et à sa détermination que le Roi Georges VI, propulsé à la tête du Royaume, va surmonter son handicap (il était bègue). A part ça, le rôle d’Elizabeth n’est pas développé et n’est donc pas mémorable.

Bien sûr, on a vu sur nos écrans des biopics  aux allures bien différentes. La filiation qui oblige les femmes de cette « représentation » à  pousser certaines d’entre elles à épouser un autre destin. Victoria, les jeunes années d’une reine illustre très bien le fait qu’une femme de ce milieu n’a d’intérêt cinématographique que si, forte de caractère, elle est consciente de ses droits et décide de se prendre en mains refusant qu’on décide pour elle. Cette femme qui a régné environ 63 ans sur le Royaume Uni est en outre connue pour avoir voulu sortir de sa cage dorée où son espace de décision était réduit à zéro. La productrice du film, Sara Ferguson, duchesse d’York, explique que la force de caractère de la reine Victoria alors que la sévérité des codes prédominait à cette époque (accède au trône en 1837), lui a donné envie de parler de cette femme.

Si quelques exceptions historiques et cinématographiques existent, il semble bien que la condition des femmes nobles soit vraiment malheureuse. Peut-être sont elles encore plus faibles et hors=-jeu que leurs consœurs populaires, qui peuvent grimper l’échelle sociale (les multiples rééditions de Pygmalion dont Pretty Woman est le parangon), ou contre toute attente et toute norme, s’engager (Louise Michel) : le personnage interprété par la jolie Maggie Gyllenhaal dans “Oh my God” incarne bien tous les sens interdits que peut emprunter la roturière si elle le cœur noble.

[Musique] Quand la noblesse se fait pop
Versailles : la pièce des bains de Marie-Antoinette entièrement restaurée
Clementine Athanasiadis

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