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« Zothique » de Clark Ashton Smith : Tout un monde lointain

« Zothique » de Clark Ashton Smith : Tout un monde lointain

03 May 2018 | PAR Julien Coquet

Le continent de Zothique abrite aussi bien sorciers, nécromants et princes que plantes maléfiques et animaux répugnants. Les nouvelles du recueil effrayent autant que fascinent.

[rating=4]

« Celui qui a arpenté les ombres de Zothique,
Sous les rayons obliques de son soleil de braise,
Ne retourne pas aux pays de jadis,
Mais hantera à jamais une ultime côte,
Dont les cités s’effondrent dans le sable noir
D’un océan saumâtre où les dieux morts vont boire. »

Qu’il est étrange de découvrir un grand auteur dont nous n’avions jamais entendu parler. C’est pourtant exactement ce qui se passe pour Clark Ashton Smith, ami de Lovecraft et de Robert Howard qui, à eux trois, écrivirent les chefs-d’œuvre de la fantasy américaine. Auteur de plusieurs recueils de poésie remarqués, Clark Ashton Smith connaît la célébrité en son temps et profite de son prestige et de l’amitié qu’il noue avec Lovecraft dès 1922 pour publier des nouvelles de Fantasy dans Weird Tales.

Les nouvelles qui composent ce recueil publié par les éditions Mnémos grâce à une opération de crowdfunding sur Ulule suivent souvent le même schéma : un héros, prince ou roi, s’aventure hors de sa vie quotidienne pour aller vers l’étrange, croisant sortilèges lancés par les nécromants, vampires et bêtes informes dans des paysages fabuleux. « Sur Zothique, dernier continent de la Terre, le soleil ne brillait plus de sa blancheur primordiale, mais d’une lueur faible, ternie d’un sang vaporeux. » Dans « Le Dieu nécrophage », Phariom entre dans la demeure du dieu Mordiggian pour sauver sa fiancée Elaith tombée dans un profond coma. Zobal l’archer et Cushara le piquier doivent quant à eux défendre une jeune fille que le roi Hoaraph les a enjoints d’aller chercher dans « L’Abbé noir de Puthuum ». Mais la halte qu’ils s’accordent ne vas pas être aussi reposante que prévue.

L’intérêt du recueil, au-delà des thèmes qu’il aborde, réside dans la qualité de l’écriture de Smith. Passé par la poésie, l’écrivain livre sa prose comme des poèmes aux fleurs vénéneuses et aux charmes envoutants. Son traducteur, Julien Bétan, que l’on félicite grandement, écrit que la langue de Smith est « une langue truffée d’archaïsmes, de vocables rares à la graphie parfois modifiée, nourrie de références romantiques et gothiques, mais aussi antiques, classiques, mythologiques ou bibliques, qui convoquent des auteurs aussi bien anglo-saxons que francophones ». Smith tenait la Fantasy pour une « libération bienvenue et salutaire de la tyrannie oppressante de l’homocentrisme » : la littérature ne devait pas mettre en avant que l’homme qui n’avait qu’une signification limitée dans l’ordre spécial de l’Univers. On entre dans ce recueil comme dans un monde effrayant et fascinant.

« A Umbri, cité du Delta, les lumières brillaient d’un éclat tapageur après le coucher de ce soleil plus vieux que la mémoire, plus vieux que les légendes, braise rouge déclinant parmi les astres. De ces lumières, les plus brillantes et les plus clinquantes étaient celles de la maison de Famurza, poète âgé dont les chants anacréontiques lui avaient apporté la fortune qu’il dilapidait en orgies organisées pour ses amis et sycophantes. Ici, sous les portiques, dans les couloirs et les chambres, les torchères brûlaient aussi ardemment que des étoiles sous une voûte de nuages. Famurza semblait vouloir dissiper toutes les ombres, à l’exception de celles qui régnaient entre les tentures des alcôves réservées aux amours décousues de ses invités. »

Zothique, Clark Ashton Smith, Editions Mnémos, 288 pages, 19 euros

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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