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Rothschild, l’histoire d’une banque au pouvoir expliquée par Martine Orange

07 January 2013 | PAR Jean-Paul Fourmont

Journaliste économique reconnue, passée par « Le Monde » et actuellement rédactrice en chef au site Mediapart, Martine Orange publie Rothschild. Une banque au pouvoir, dernièrement paru aux éditions Albin Michel. Elle y retrace l’histoire mouvementée d’un empire familial et d’une grande ambition, d’une défaite et d’une renaissance. Discrète, la banque Rothschild est aujourd’hui au sommet de sa puissance et au cœur du capitalisme français et européen. Elle jouit d’une autorité incontestée, et ce à droite comme à gauche, de l’UMP à l’Elysée.

LA NATIONALISATION

L’ouvrage commence par évoquer le contexte de la nationalisation de la banque au début des années 1980, lorsque François Mitterrand remporta les élections présidentielles, puis son camp politique les élections législatives La banque fut nationalisée en 1982 pour un montant s’élevant à quelques 72,6, millions d’euros.

LA RENNAISSANCE

Puis, Martine Orange se penche sur la création d’une nouvelle banque avec l’appui de Robert Badinter. Edouard Balladur permit à cette nouvelle entité de reprendre le nom de Rothschild. Cet apport est décisif, car sans le nom Rothschild la banque n’était rien, ou si peu.

D’après l’auteure, la banque Rothschild fit le choix d’une voie propre. C’est-à-dire que la banque a entendu ne pas céder « à la cupidité financière » (greed is good). Avec la banque Rothschild, nous ne sommes pas dans les dérives des traders, mais plutôt dans un capitalisme familial, à la française.

La banque recrute des associés très politiques, comme François Pérol qui deviendra banquier d’affaires et associé gérant. A ce titre, il conseilla Philippe Dupont, PDG des Banques populaires, lors de la création de Natixis, filiale commune des Banques populaires et des Caisses d’épargne.
En mai 2007, François Pérol fut nommé secrétaire général adjoint de l’Elysée, où il devint l’ordonnateur du programme économique de Nicolas Sarkozy. Ensuite, il fut chargé d’organiser la fusion des Caisses d’épargne et des Banques populaires avec des capitaux d’Etat. Puis, il fut nommé à la direction du nouveau groupe bancaire.

Toutefois, le 27 juin 2012, la Cour de cassation ordonna à son encontre l’ouverture d’une information judiciaire pour prise illégale d’intérêt. Auparavant, la décision politique du parquet de Paris (qui obéit aux instructions du pouvoir politique et qui, donc, était à l’époque hostile par nature à toute enquête contre François Pérol) fut critiquée par toute la doctrine universitaire spécialiste de ce type de contentieux.

On retrouve également d’autres associés gérants très bien placés, comme par exemple Jean-Charles Naouri (ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy), Nicolas Bazire (ancien directeur de cabinet d’Edouard Balladur), Emmanuel Macron (actuel secrétaire général de l’Elysée).

L’arrivée d’Alain Minc comme conseiller consultant de la banque fut déterminant, il permit à la banque de développer sensiblement ses réseaux.

ASSOCIATION NICOLAS SARKOZY, DAVID ROTHSCHILD

La banque fit énormément travailler Nicolas Sarkozy, qui n’est pourtant pas un spécialiste des fusions-absorptions, mais qui a l’avantage d’avoir été maire de Neuilly et ainsi de connaître beaucoup de monde.

Le mélange des genres est total : Nicolas Sarkozy intervient comme avocat pour la banque Rothschild et Stéphane Richard de la Générale des eaux au niveau du contentieux des quartiers de La Défense, et comme un des dirigeants politiques de l’Epad, à La Défense. Stéphane Richard (ancien directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn) fit fortune et se vit remettre la légion d’honneur par N. Sarkozy. C’est au lendemain de la défaite d’Edouard Balladur en 1995 que N. Sarkozy commença sa collaboration avec les Rothschild.

L’association entre Nicolas Bazire, Nicolas Sarkozy et David Rothschild est évoquée. L’ouvrage nous apprend que tous ces banquiers, comme David de Rothschild, Jean-Marc Vernes et Antoine Bernheim n’ont eu de cesse de financer l’ancien président N. Sarkozy.

Cécilia Attias confirmera, plus tard, que « les affaires et le pouvoir politique sont indissociables ». En effet, pour les banquiers, E. Balladur n’avait plus aucune chance après son échec, en raison de son personnage « de marquis emperruqué », et non pas à cause de ses idées. Ces dernières furent donc reprises par Nicolas Sarkozy.

Une discrète, mais efficace société de secours mutuel se mit en marche pour aider Nicolas Sarkozy. Le banquier Antoine Bernheim raconte que Nicolas Sarkozy lui « a mangé dans la main pendant vingt ans. Il a toujours eu des problèmes avec l’argent ». La banque Rothschild soutint toujours Nicolas Sarkozy durant sa traversée du désert en le finançant généreusement.

LE GROUPE ROTHSCHILD EST RECONSTITUE EN 2012

Les Rothschild fêtèrent, le 8 juin 2012, le retour à leur splendeur, c’est-à-dire la création d’une entité juridique, sous forme de commandite. Ce qui a pour avantage d’éviter tout risque d’opa hostile.

MANQUE D’ESPRIT CRITIQUE

L’ouvrage de Martine Orange est certes très documenté, mais le lecteur regrettera, par moment, un manque de recul. La description minutieuse de l’immense chagrin de la secrétaire, à l’occasion de la nationalisation de la banque, n’apporte pas grand-chose à une biographie économique de ce type. Il en va de même pour les remerciements à cette secrétaire à la fin de l’ouvrage. De plus, lors de l’évocation de la renaissance de la banque, le clin d’œil à cette secrétaire est paradoxal.

Les conflits d’intérêts, comme ceux de l’affaire François Pérol, ne sont pas soulignés. En effet, le mélange de politique et d’affaires est-il moral ? Il aurait été intéressant de savoir à quel niveau les entreprises peuvent devenir partenaires de la banque et comment les clients sont approchés. Faut-il être parrainé pour devenir client de la banque ? Si oui, par combien de personnes ? La banque entreprend-elle des enquêtes de solvabilité sur ses nouveaux clients avec le concours du Trésor ? Comment fonctionnent les comités de crédit ? Comment la banque se comporte-t-elle avec ses clients lorsqu’ils connaissent des difficultés financières ?

Si l’ouvrage n’apporte pas de réponse à toutes ces questions, le lecteur apprend cependant qu’en septembre 2007 Benjamin de Rothschild s’était amusé à tirer sur un policier en faction à l’Élysée. Le policier fut blessé et l’affaire étouffée, on se croirait presque dans le roman Les grandes familles de Maurice Druon… Ce genre d’anecdote n’a aucun intérêt économique, il n’apporte pas grand-chose à la compréhension globale du fonctionnement de la célèbre banque Rothschild.

La montagne a finalement accouché d’une souris, dommage le livre était prometteur…

M. Orange, Rothschild. Une banque au pouvoir, Albin Michel, 2012, 368 p., 20 euros.

Jusqu’au bout avec Johnny, une biographie bien documentée
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Jean-Paul Fourmont
Jean-Paul Fourmont est avocat (DEA de droit des affaires). Il se passionne pour la culture, les livres, les gens et l'humanité. Contact : [email protected]

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