Polars
« La mémoire des morts » d’Eric Berg, polarissime  !

« La mémoire des morts » d’Eric Berg, polarissime !

10 January 2018 | PAR Jérôme Avenas

Publié par les Éditions Slatkine & Cie, l’excellent polar d’Eric Berg (pseudonyme d’Eric Waltz) ne vous lâchera pas d’une semelle : dispositif narratif astucieux, des personnages bien dessinés et une histoire passionnante. Lea et Sabina se sont retrouvées sur l’île de leur enfance. Victimes d’un accident de voiture, Lea a perdu la mémoire, Sabina la vie.

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Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin. On lit les dernières pages de « La mémoire des morts » dans un état second, halluciné, jusqu’au dévoilement qui fait l’effet d’une bombe. Mais ce n’est pas là le seul atout d’un livre fascinant. D’ailleurs, cette fin à laquelle on ne s’attend absolument pas est soigneusement préparée par un habile dispositif narratif. Lea Mahler a quitté l’île de Poel, territoire baltique de l’ex Allemagne de l’Est au cours de l’été 1990 à la faveur de la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Sa sœur Sabina n’a pas tardé à faire la même chose. Différentes, rivales, elles ne se sont pas revues depuis leur départ, Sabina pour Berlin, Lea pour l’Argentine. Mais pourquoi Lea se trouvait-elle de retour sur l’île de son enfance avec sa sœur où elles ont été victimes d’un accident de la route qui a coûté la vie à Sabina ? Amnésique depuis l’accident, Lea tente de comprendre ce qui s’est passé. En parallèle de cette tentative de reconstitution, on suit le parcours qui a mené Sabina, quatre mois auparavant, dans cette voiture aux côtés de sa sœur. Adolescente, Lea faisait partie d’une bande d’amis qui se retrouvaient au milieu des ruines d’un monastère rebaptisé « le palais ». Vingt trois ans après, pour Sabina qui travaille dans la police, ce n’est qu’un « pré sans valeur »  au centre d’un conflit entre sa famille et celle de Rupert Balthus, leur ancien voisin.
Eric Berg jongle admirablement avec les deux « temps » de la narration, ménageant ses effets, enfermant petit à petit le lecteur dans un piège implacable. Il dissémine ça et là des questions, des mystères, qui s’accumulent, avant de trouver leur réponse dans un final – encore une fois – éblouissant. Les secondes retrouvailles entre Lea et ses anciens amis nous met d’emblée, avec le personnage, dans un climat instable. Ayant perdu toute mémoire immédiate, Lea se souvient de son adolescence, mais a tout oublié de son retour sur l’île quatre mois auparavant. L’instabilité tourne parfois à l’intenable (pour notre plus grand plaisir) quand le doute sur chacun de ses amis s’installe petit à petit. Du côté du récit de Sabina, c’est une enquête menée par la policière qui lève le voile sur des événements de leur adolescence. Ce qui relie les deux narrations, c’est le groupe d’amis restés sur l’île, personnages abîmés par le temps. Ils confrontent les deux sœurs à leur passé, l’île à son futur, et l’Allemagne à son histoire.

Eric Berg, La mémoire des morts, Éditions Slatkine & Cie, novembre 2017, 416 pages, 22,90 €

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