Poésie
Interview de Laura Kasischke – Mariées rebelles

Interview de Laura Kasischke – Mariées rebelles

20 October 2017 | PAR Vincent Fournout

Interview de Laura Kasischke à l’occasion de la sortie en poche du recueil de poèmes Mariées rebelles (Points Poche)

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“Les textes de Laura Kasischke n’ont pas besoin qu’on les explique. Ils frappent très bien tout seul” prévient Marie Desplechin dès la préface. Première publication de Laura Kasischke en 1992 Mariées rebelles paraît initialement aux Etats-Unis sous le titre Wild Brides. Ce recueil de poèmes a été traduit en 2016 grâce aux efforts des éditions Page A Page et ressort en poche cet automne.
C’est l’occasion de remonter aux racines des textes de la poétesse devenue romancière considérée parmi les plus doués de sa génération. Entre le scalpel et la baguette de fée, l’écriture de Laura Kasischke révèle des secrets à chaque ligne. Enracinée dans le décor de petites bourgades américaines, elle rejoint l’universel en plongeant au coeur de l’intime où tout est calme en surface mais où très vite surgiront les fantômes. Tour à tour organique, psychanalytique, métaphorique, mais toujours avec les mots simples du quotidien, elle nous parle de faibles femmes mariées qui trompent leur mari insignifiant, de vaches qui giclent du lait au mercure, elle nous invite à chercher les présages dans le ronron des jours qui passent et déterre un grand père en plantant un rosier. Si ce recueil était en quelque sorte le big bang originel des écrits de Laura Kasischke alors le foisonnement qu’on y décèle à chaque ligne nous laisse plein d’espoirs pour la bibliographie qu’il lui reste à écrire.

Nous l’avons interviewée début octobre via Internet…

TLC : Pourrait on dire de Wild Brides qu’il contient tous les germes de vos écrits à venir ?  

Laura Kasischke : c’est difficile pour un écrivain de voir les choses ainsi. Je suppose que mes obsessions, mon style, mes penchants et mes inclinations seront présents du premier au dernier de mes livres, comme peut-être tous les écrivains ? Mais pour être honnête, je ne suis sûr d’avoir une vision très claire de moi même à part dans la vie domestique ainsi que quelques images récurrentes de ma vie et de mes rêves.

Dans le tout premier poème, Palm, vous parlez des “faibles” – “the small” (souviens toi qu’ainsi survivent les faibles, qu’ainsi les faibles ont toujours survécu). Que vouliez vous dire ? Plus globalement, il y aurait il un message politique ?  

Laura Kasischke : Je ne pense pas qu’il y ait un message politique dans ce texte, sauf dans le sens où tout est politique, je suppose. Ce poème m’a été inspiré par une séance de chiromancie dans la rue à New York  qui m’a coûté cinq dollars pour entendre la vie ennuyeuse qui m’attendait … alors j’ai ajouté l’adultère à la fin pour pimenter les choses, pour moi.

Est ce qu’il y a un rapport entre votre travail et la démarche psychanalytique ?  David Lynch expliquait par exemple qu’il avait toujours refusé d’entreprendre une psychanalyse par peur de perdre l’inspiration.  
 
Je n’ai pas suivi de psychanalyse non plus ! Pas par peur mais simplement car je n’en ressens pas le besoin et je n’ai trouvé personne localement qui pratiquerait la psychanalyse c’est à dire à l’ancienne allongée sur le divan, dans la libre association. Je ne suis pas intéressée de parler de mon enfance alors que je suis obsédée d’écrire à propos de l’enfance. Ceci dit oui je pense qu’il y a des parallèles entre mon travail et la démarche psychanalytique. Je suis très intéressée par les travaux de Freud, Jung, le travail sur le rêve, le subconscient. J’écris de façon très associative et je compte beaucoup sur mon subconscient pour me fournir du matériel et des idées ainsi que pour comprendre des choses que j’ai oubliées, réprimées ou auxquelles, dans mon esprit conscient, je ne me permettrais pas de réfléchir, ou de dire à voix haute, ou d’écrire.
 
Votre travail semble enraciné dans l’atmosphère des petites villes américaines tout en proposant une dimension universelle. Comment ressentez vous le fait d’être lue dans de nombreux pays ?  
 
Honnêtement, pendant que j’écris, je ne pense jamais au lecteur. J’écris vraiment pour moi-même. Si je pensais à comment mon écriture serait interprétée ou critiquée ou appréciée, je serais trop intimidée pour écrire. Je n’écris donc pas pour les américains mais je suis américaine. Je ne fais qu’écrire à propos du quotidien que je connais, que je devine ou que je trouve inspirant. Après avoir fini d’écrire quelque chose, j’oublie d’ailleurs presque toujours pourquoi je l’ai écrit. Je dois aussi avouer que j’oublie aussi souvent ce que j’ai écrit – de sorte que si je fais une interview sur un roman un an après l’avoir terminé, parfois, je ne sais pas de quoi parle mon interlocuteur…

Je lis vos livres mais je vous suis aussi sur Facebook. Voyez-vous le réseau social comme un moyen possible de vous exprimer en tant qu’artiste et de construire un nouveau type de relation avec les lecteurs? 

C’est sympa de rencontrer des gens de cette façon, sur Facebook, des gens que je n’aurais jamais l’occasion de rencontrer dans la vraie vie sauf que je ne pense vraiment pas à mes amis Facebook comme à mes lecteurs – puisque je ne sais habituellement pas s’ils le sont ou non. C’est un espace social, intéressant, mais je ne ressens pas beaucoup d’intersection entre Facebook et ma vie d’écrivaine. C’est plus ma vie domestique, mes chats, ce genre de choses.

Un coup de cœur en littérature américaine contemporaine à partager ? 

J’ai lu Ill Will: A Novel de Dan Chaon cet été. Il me hante encore en rêve. Dan Chaon est un auteur génial. (traduction à paraître).

(Mariées rebelles de Laura Kasischke, traduction par Céline Leroy, Edition bilingue – Points Poche 2017)

NB : dans l’émission Poésie et ainsi de suite sur France Culture on retrouvera avec bonheur une interview de 58mn de Laura Kasischke accompagnée par Céline Leroy sa traductrice et Marie Desplechin sa préfacière avec notamment une lecture intégrale du premier poème du recueil Palm (Paume) d’abord lu en anglais par Laura Kasischke en personne à 9’40” puis en français par Céline Leroy.

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Vincent Fournout
Digital native depuis 1970, passionné de danse contemporaine et de danses tout court.

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