Livres

Les Oeuvres complètes de Max Jacob sortent chez Quarto

25 October 2012 | PAR Yaël Hirsch

Meilleur ami de Guillaume Apollinaire et de Pablo Picasso, reconnu aujourd’hui comme un des grands poètes du 20ème siècle bien qu’il eût plus vécu de son pinceau que de sa plume, né à Quimper, mort à Drancy, juif converti à un catholicisme fervent, un peu bouffon, très mauvaise langue, grand correspondant et excellent ami, Max Jacob est un grand monsieur des lettres françaises et il est néanmoins trop peu connu. Après l’excellente biographie que lui a dédiée Béatrice Mousli (2004), Gallimard publie enfin les Œuvres de Max Jacob où – correspondance mise à part- la quasi-totalité des textes de Max Jacob sont réunis et agencés de manière chronologique. Une parution réjouissante, prévue pour le 25 octobre 2012.

« Max Jacob danseur de corde, Max Jacob à table d’hôte, Max Jacob, sa grande mélancolie juive, sa conversion, sa bonne humeur de moine, sa foi qu’il n’exploite jamais, ses diablotins bretons, son cœur d’or, je l’aime, je l’admire et nous lui devons tous quelques chose », disait Jean Cocteau de ce juif de Quimper venu mener la vie de Bohême à Paris où il partage son lit avec Picasso au début du 20ème siècle. Des deux seul Jacob aimait les hommes, mais par mesure d’économie, l’un dormait le jour et l’autre la nuit. Un peu astrologue, amateur d’éther et de bonnes choses, Max Jacob est resté trop longtemps dans l’ombre de ses deux grands amis : Apollinaire et Picasso. Plutôt de droite, mais à Montmartre, fervent catholique après deux visions du Christ et un baptême arraché cinq ans après ces révélations, généreux jusqu’au dépouillement en amitié, d’une exigence absolue quant au style, Max Jacob avait surtout sur lui-même un recul bluffant. Avec humour, il fait dire à son Saint Matorel (1936): “J’ai connu l’amour avec une douce horreur. Dois-je avouer que j’ai été sodomite, sans joie, il est vrai, mais avec ardeur ? Mais vous, pardonnez moi, mon Dieu, si vous êtes en moi comme vous êtes autour de moi, car vous savez mon innocence”. Retiré des tumultes du monde près de l’abbaye de Saint-Benoît sur Loir, Max Jacob a dû porter l’étoile jaune et est mort d’épuisement au camp de transit de Drancy d’où Picasso n’a pas su le tirer. Cette fin tragique vient terminer en drame une vie excessive tant dans la  bouffonnerie que dans le sublime de la foi. l’œuvre porte la traces de ces excès et d’une réflexion toute entière tendue vers le style et vers Dieu.

Sans se cantonner à la seule poésie, cette édition des œuvres de Max Jacob donne à voir ses récits et ses essais. A côte des textes les plus connus de Max Jacob – souvent d’ordre poétique comme le fameux “Cornet à dés”(1923), recueil considéré comme manifeste de la poésie cubiste, puis le “Laboratoire Central” – l’on peut ainsi découvrir de véritables perles. L’univers fou et breton de Morvan le Gaëlique, par exemple, et l’énergie spirituelle qui irrigue les lignes urgentes du récit de conversion du poète “La défense de Tartufe” (1937). Et les illustrations des éditions originales du Saint Martorel par Abdré Derain sont formidablement reproduites. Enfin,, alors que le passage par Saint-Benoît sur Loire  était une sorte d’étape initiatique pour les jeunes poètes ou aspirants-écrivains d’Entre-deux-guerres (Edmond Jabès, Maurice Sachs…), la simplicité exigeante de l’Art poétique qu’il a théorisé gagne à être méditée. Au fil des pages, l’on acquiert la certitude que si, dans sa vie, Max Jacob était une figure pleine de contradictions, la rigueur de son écriture constitue une unité indépassable, l’écriture étant probablement la seule discipline que son cœur généreux, son esprit facétieux et son corps sensuel ont jamais su suivre. Un immense poète à découvrir sous toutes ses facettes, à travers un gros recueil auquel seules manquent les correspondances du grand Max.

Max Jacob, “Oeuvres”, édition établie et annotée par Antonio Rodriguez, préface de Guy Goffette, Galliamard, Collection “Quarto”,

Pamphlet contre la mort, la poésie révoltée de Charles Pennequin
Questions d’artistes: Latifa Laâbissi au Collège des Bernardins
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration