Le Vent dans la bouche : Violaine Scwhartz dans les pas de la grande Frehel
La comédienne et chanteuse Violaine Schwartz propose chez POL un deuxième roman parfaitement musicale et divinement écrit où la narratrice se glisse dans la peau aussi malheureuse qu’habitée de la grande chanteuse réaliste Frehel. Un beau voyage, tumultueux.
“Fermez vos gueules, j’ouvre la mienne!”. Résumé à la fois percutant et goûteux et du livre et de la femme : Frehel. Vraie fille du peuple, née en 1891 en Bretagne, élevée en parigotte, atteignant le sommet de la renommée sous un pseudonyme qui rappelle ses origines à 20 ans, Égérie d’un répertoire réaliste que tout Paris reprenait en chœur, amante malheureuse de Maurice Chevalier, Frehel a eu une vie coupée en deux. paradoxalement, ce n’est pas seulement la Grande Guerre mais surtout dans l’après, avec une parenthèse mystérieuse en Turquie où elle est récupérée dans un Bordel. Lost generation à elle seule, c’est avec quelques dizaines de kilos en plus et dans une vie qui dégringole d’éther, d’alcool et de misère qu’elle reprend le chemin de l’Olympia en 1925 et découvre le cinéma…
Référence ultime des plus grands comme Gainsbourg, Renaud ou Daho, l’interprèrte de la “Java Bleue” et de “Où sont tous mes amants?” demeure une figure opaque et mystérieuse, dans le beau roman de Violaine Scwhartz. Les personnages de la narratrice et de la chanteuse s’entremêlent, comme dans la fièvre ou sous l’emprise de l’alcool. La musicalité de la langue populaire et l’énergie monstrueuse du personnage, mi-goule, mi-pauvre fille au destin brisé, peuvent surgir. Celle dont la voix accompagnait Hélène Labarrière dans une reprise de Frehel ose généreusement se mettre dans le sillage de ce timbre sonnant et trébuchant pour offrir un livre parfaitement habité, avec en prime un précieux petit appendice de certaines paroles des chansons de Frehel. Un beau moment de musique, de langue et de littérature.
Violaine Scwhartz, “Le vent dans la bouche”, POL, mars 2013, 176 p., 14 euros.