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Le soin d’une mère

15 December 2010 | PAR Yaël Hirsch

Dans son dernier roman, Christine Orban dépeint le renversement de l’ordre du monde qui intervient quand une fille se met à s’occuper d’une mère qui perd la tête. Intime, dur, et terriblement beau. Sortie le 6 janvier 2011.

Elle débarque, coquette, de Casablanca. Son unique fille planifie toute sa vie là-bas, depuis Paris. Elle est seule responsable depuis la mort de l’autre sœur. Mais la mère perd la mémoire, pas celle des vieux souvenirs et des visages anciens, mais d’abord la mémoire immédiate : elle est venue pour Noël et demande toujours si ce n’est déjà pas passé. Elle a peur de rester, elle a peur de partir. Elle ne peut plus jouer au bridge et trimballe une peluche comme animal de compagnie – parfois elle veut la nourrir, parfois elle a la sagesse d’avouer que c’est pour combler sa solitude. La maladie attaque même sa féminité quand elle oublie de mettre une noisette de crème hydratante sur son visage. La fille joue son rôle : la cérébrale à son bureau, le “roc” qui répond toujours présent aux appels de sa capricieuse mère. Mais à l’intérieur, elle bout, se demande si la maladie ne fait pas qu’amplifier l’égoïsme de sa mère, puis s’en veut du moindre renoncement, de lui parler comme une petite fille… Surtout, elle sait : il est désormais trop tard pour poser les questions importantes et comprendre ce qui a porté sa mère à travers une vie qui lui semble à elle, la fille, bien vide. Finalement, au soir du dernier Noël désordonné, le roc reste sans racine, mais évite l’amer.

Dans un style à la fois simple et coupant, Christine Orban analyse sans faux semblants la douleur de devoir, un jour, devenir la mère de sa mère. Douleur encore plus grande quand la mère en question n’a jamais joué son rôle. Une superbe et déchirante leçon de solitude, dans laquelle nombreux sont ceux qui pourront se reconnaître.

Christine Orban, “Le pays de l’absence”, Albin Michel, 169 p. 15 euros, sortie le 6 janvier 2011.

Le plus beau cadeau qu’une mère puisse offrir à ses enfants, c’est d’être heureuse. Ce n’est pas le plus simple. On ne peut pas en vouloir à une mère de ne pas l’être, mais on peut lui en vouloir de le dire à tout bout de champ. Apprendre le silence. Apprendre à retenir la parole. A cacher la souffrance.” pp. 43-44.

 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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