Le Grand Voyage d’un jeune-homme de 22 ans
Sans avoir fait l’expérience, Arnaud Rykner écrit sur ce qu’Hannah Arendt appelait la « fabrication démentielle de cadavres » du nazisme par le biais du voyage en train vers les camps. Œuvres littéraires, « Le wagon » imagine les trois jours passés par un jeune résistant de 22 ans dans un train le menant de Compiègne à Dachau. Sortie le 1er septembre aux éditions du Rouergue.
Par le biais d’un personnage de 22 ans, résistant, torturé, puis emporté seul dans un wagon où sont entassées plus de 1000 personnes de Compiègne pendant 3 jours caniculaires de l’été 1944, Arnaud Rykner évoque de manière littéraire la déshumanisation. Un voyage dans l’enfer d’un train de 22 wagons transportant 2 160 humains, qui deviennent fous et meurent les uns après les autres. A l’arrivée, ils ne sont plus que 1 630.
Metteur en scène, universitaire et romancier, Arnaud Rykner dit avoir longtemps hésité avant de rendre compte de ce voyage inimaginable : « Je n’en avais pas le droit, mais il fallait que je le fasse, et je l’ai fait ». L’histoire n’est pas celle de l’auteur, mais elle lui a été relatée par un proche et pour Rykner, seule la fiction et l’invention peuvent approcher une réalité interdite et impossible. Un dur et beau récit, peut-être pas vraiment original et en-deçà du « Grand Voyage » de Semprun, mais un récit inflexible dans sa concentration sur la situation dans le train et très juste sur les réactions trop humaines du héros étouffant de chaleur et de promiscuité.
Arnaud Rykner, Le wagon, Au Rouergue, collection « La Brune », 141 p., 15 euros. Sortie le 1ier septembre.
« Quoi que nous soyons, quoi que nous fassions, nous serons toujours plus forts qu’eux, car nous sommes plus humains. Bizarrement, je me dis que c’est notre souffrance qui nous empêche de leur ressembler, qui fait que nous ne sommes pas eux, que nous ne pourrons jamais l’être. Jamais ils ne connaîtront ce qu’ils nous on fait subir. S’ils devaient le connaître, je crois- maintenant que l’alerte est passée- que je me battrais pour l’empêcher. Ce serait nous rabaisser à eux, et perdre tout ce qui nous reste.
Nous ne sommes pas eux.
Nous ne sommes pas eux. » p. 111