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Laurent Bouvet, “L’insécurité culturelle – sortir du malaise identitaire français” (Fayard)

Laurent Bouvet, “L’insécurité culturelle – sortir du malaise identitaire français” (Fayard)

04 February 2015 | PAR Amelie Eleouet

Laurent Bouvet est professeur de science politique à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines et directeur de l’Observatoire de la vie politique de la Fondation Jean-Jaurès.

[rating=4]

9782213672199-XÉchec de la gauche, montée du FN, exacerbations identitaires et instrumentalisation politique sont au cœur de la réflexion de Laurent Bouvet dans cet ouvrage qui s’applique à susciter une réflexion citoyenne autour du malaise culturel qui s’est emparé depuis quelques temps déjà de la France.

Vaste sujet s’il en est, à la résonance encore plus forte au vu des événements récents, qui tente une lecture culturelle et identitaire de la société au-delà de la traditionnelle analyse économique et sociale, indispensable selon lui pour comprendre les mutations de l’électorat populaire et les crispations identitaires.

Car il existe un décalage certain entre les données factuelles, dirons-nous – la catégorie socio-professionnelle d’un individu, le milieu dont il est issu, ses revenus – et le ressenti de cet individu face aux changements sociétaux (aux niveaux local, national, mondial), soit la somme de ses craintes et de ses représentations, puis leur répercussion sur son vote.

Peur de la mondialisation à grande échelle, de l’ouverture des frontières au niveau national, peur de « l’autre » au quotidien, et par effet boomerang, naissance et manifestation d’une défiance vis-à-vis du pouvoir politique, tenu pour seul responsable de cette insécurité globale.

Laurent Bouvet explique que le questionnement autour de l’insécurité culturelle a vu le jour au moment de la présidentielle de 2012, en constatant l’écart important des résultats de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, tous deux censés être portés par l’électorat populaire.
Où il est apparu très nettement que le Front National, par le biais de l’instrumentalisation des thématiques identitaires et culturelles ces 30 dernières années, qu’il explique en détails (rejet de l’immigration et de l’Islam en sont les 2 axes), et un temps aidé par le discours Sarkozyste (débat sur l’identité nationale) a entraîné un basculement du vote des catégories populaires à droite, par le biais de phénomènes comme la peur du déclassement par exemple, phénomènes là encore très explicités.

Dans le même temps, refusant le terme même d’insécurité culturelle, se cantonnant à condamner sans appel, et sans nourrir le débat, les électeurs du FN et par là-même une grande partie des catégories populaires qui se sentaient déjà exclues du débat politique, la gauche a échoué à faire barrage à l’extrême droite.

L’auteur, s’appuyant sur de nombreux ouvrages et exemples, explique qu’en prônant depuis des années la – certes louable – nécessité d’une revendication fervente de son identité, son origine, sa religion ou encore de son orientation sexuelle, mais contournant les principes de la laïcité, fondement de la république, la gauche a indirectement contribué à figer les minorités populaires non issues du multiculturalisme (et ne pouvant donc revendiquer quoi que ce soit) dans une attitude xénophobe. Effet pervers encore accentué par les idées et doctrines simplistes selon lesquelles la France serait fondamentalement raciste, une aubaine pour l’extrême droite.

Minorités populaires également exclues de toute réforme sociale en profondeur, ce alors que la priorité des politiques de gauche est devenue l’émancipation individuelle au détriment de l’émancipation collective.
Une priorité électorale (le mariage pour tous) dont la force progressiste a également remis en question les valeurs conservatrices et le modèle familial, au-delà du clivage droite / gauche.

D’où une grande complexité du débat et de la lecture culturelle des phénomènes de mutation du vote, que Laurent Bouvet propose d’aborder dans un premier temps par le biais de l’analyse territoriale (choisir d’habiter quelque part ou y être contraint, et les tensions que cela peut éveiller, pour résumer brièvement).

Un éclairage intéressant de la société, devenue presque illisible, voire insondable, et de ses mutations. Un ouvrage pour relancer et remettre à plat un débat plus que nécessaire.

Laurent Bouvet, « L’insécurité culturelle », Fayard, 2015, 189 pages, 12 Euros

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Amelie Eleouet

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