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La Chambre à récits de Michael Paterniti : fromage et leçon de vie

La Chambre à récits de Michael Paterniti : fromage et leçon de vie

18 January 2017 | PAR Léa Sanchez

La Chambre à récits de Michael Paterniti, publié en français par les Editions Noir sur Blanc, plonge le lecteur dans le hameau médiéval de Guzmán, en Espagne, sur les traces de la fabrication d’un fromage hors du temps. L’auteur mise sur le journalisme narratif et des descriptions détaillées et efficaces pour entremêler différentes histoires et ainsi faire de La Chambre à récits un récit à forte dimension humaine sur la vie, la perte, et le storytelling en lui-même. 

[rating=5]

lachambrearecitsDix ans. C’est le temps mis par le journaliste américain Michael Paterniti pour écrire La Chambre à récits. Publié en anglais en 2013, et tout juste sorti en français aux Editions Noir sur Blanc, l’ouvrage s’intéresse à un fromage au goût incroyable : le Páramo de Guzmán. Créé au cœur de la Castille par Ambrosio Molinos, un paysan du petit village de Guzmán, dont « les traits de son visage et sa peau qui se relâchait étaient le signe d’une vie de dur labeur et, à la fois, d’une étrange tragédie » : celle de la perte de son usine de fromagerie, qu’il impute à son ancien meilleur ami Julian.

Un hameau aux mille secrets

« Fait avec amour », le Páramo de Guzmán est le résultat d’années passées à retrouver le goût du fromage familial, où les saveurs s’entremêlent aux mémoires anciennes. Michael Paterniti le découvre pour la première fois au début des années 90. Alors tout juste diplômé en storytelling, il travaille quelque temps pour le bulletin mensuel d’un deli, dont il relit et corrige le contenu avant publication. «  J’ai tourné la page – et je suis tombé sur un passage sorti de nulle part, qui n’avait besoin d’aucune intervention. Il parlait d’un fromage particulier », écrit Michael Paterniti : « je ne cessais pas d’y penser, alors que je m’attaquais à des adjectifs mal employés dans le passage consacré à la pâte d’amande ».

Plus tard, il décidera de s’installer à Guzmán quelque temps, avec femme et enfants, pour percer l’histoire de ce produit singulier. L’ouvrage qui en découle – La Chambre à récits – donne l’eau à la bouche. Les descriptions minutieuses et détaillées de l’auteur, doublées d’une narration rythmée, tiennent le lecteur en haleine tout au long des près de 400 pages de ce roman. Quant à l’histoire, c’est bien plus qu’un récit sur le Páramo de Guzmán – celui-ci n’étant que la toile d’un fond d’un récit bien plus complexe ponctué d’innombrables et très longues notes de bas de page.

Digressions en série

Dans La Chambre à récits, les histoires s’entremêlent, se cousent et se décousent. C’est d’abord celle du fromage, puis pêle-mêle viennent s’y ajouter celles de l’amitié, de la confiance, de l’identité et du poids d’un héritage culturel. Loin d’un village idyllique, Guzmán est empli de ses non-dits, de ses drames, de sa pression sociale et de ses secrets.

« L’art de la digression est un sport national en Castille », écrit Michael Paterniti. Comme les habitants de cette région du coeur de l’Espagne, l’auteur va de digression en digression, incapable de percer tous les secrets d’Ambrosio jusqu’à ce que ses instants journalistiques reprennent le dessus, tant il est fasciné par cet artisan hors pair, cet incroyable conteur d’histoire qui le subjugue. A travers La Chambre à récits, Michael Paterniti rappelle lui aussi pourquoi nous aimons les histoires, et le pouvoir d’une description capable, en quelques lignes, de transporter un lecteur dans un village hors du temps.

Michael Paterniti, La Chambre à Récits, Les Editions Noir sur Blanc, 384 pages, 23€.
Date de parution : 19 janvier 2017
Visuel : DR, couverture du livre

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Léa Sanchez

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