Fictions
“Trois Frères”, de Peter Ackroyd : un roman dont Londres est le héros

“Trois Frères”, de Peter Ackroyd : un roman dont Londres est le héros

07 January 2015 | PAR Audrey Chaix

Trois Frères commence comme un conte de fées : il était une fois trois frères, nés à Camden Town dans les années 1950 le même jour, à la même heure et au même endroit, à un an d’intervalle. La comparaison s’arrête là, car le conte est bien sordide dans ce Londres où se côtoient les beaux quartiers de Mayfair, où les politiciens et hommes d’affaires véreux se partagent le gâteau de l’exploitation de la misère sociale qui règne dans Limehouse, en passant par Camden Town, Mayfair, Notting Hill Gate et le grouillant Fleet Street…

troisfreres

Tout au long des Trois Frères, Peter Ackroyd joue sur le destin de ces trois frères, Harry, Danny et Sam, marqués par une coïncidence extraordinaire dès leur naissance et qui crée un lien étrange entre eux, presque malgré eux. Les deux aînés, dévorés par la volonté de quitter le quartier populaire où ils ont grandi, choisissent chacun une voie différente : Harry commence comme coursier pour un journal londonien, et, à force de bonne chance et de ténacité, il grimpe peu à peu les échelons pour devenir directeur de la rédaction d’un grand quotidien. De son côté, Danny est admis à Cambridge où il fait ses armes comme étudiant, puis professeur, tout en se faisant un nom dans les sphères littéraires comme critique. Seul le dernier, Sam, ne trouve pas sa voie : plus touché que les deux autres par l’abandon maternel lorsque les frères avaient une dizaine d’années, il erre dans les rues de Londres, à effectuer des petits boulots sans intérêt et à aider les déshérités qu’il croise sur son chemin – ce qui fait sans doute de lui le plus humain et le plus appréciable de la fratrie.

Il y a des intonations dickensiennes dans ce roman : on pense à L’Ami commun ou à La Maison d’Âpre-Vent alors que l’on suit les tribulations des personnages dans un Londres qui est indéniablement le pilier autour duquel est articulée toute l’histoire. Comme Dickens, Ackroyd mêle les classes sociales en jetant un regard critique sur la société dans laquelle évoluent ses personnages. A l’image de leurs destinées, ils connaissent des succès flamboyants et des descentes aux enfers tout aussi vertigineuses.

Un bémol à apporter toutefois : si le roman ne manque pas d’afficher de belles ambitions narratives, il semble parfois manquer de substance alors que se déploie la destinée des trois frères. On aurait aimé voir les personnages décrits avec plus d’épaisseur, s’enfoncer réellement dans le Londres des années 1960 – 1970, prendre le temps de se perdre dans un roman fleuve. D’autant plus que le roman, qui mêle une histoire de fratrie unie par un étrange lien psychique, un scandale dans lequel se trouvent réunis politiciens, hommes d’affaires et petites frappes, ainsi que l’univers spirituel des critiques littéraires – le tout mâtiné d’un meurtre : il y avait de quoi faire, et c’est en restant un peu sur sa faim que l’on referme le roman.

Trois Frères, de Peter Ackroyd. Traduit de l’anglais par Bernard Turle. Editions Philippe Rey. Parution : 08 janvier 2014. 288 pages. Prix : 19 €.

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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