Fictions
« Tony Hoogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman » : boire et déboires d’une fille-mère et de sa fille dans l’Ecosse des années 1980

« Tony Hoogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman » : boire et déboires d’une fille-mère et de sa fille dans l’Ecosse des années 1980

02 January 2014 | PAR Yaël Hirsch

Récompensé par le Scottish First Book Award, ce premier roman de l’auteure écossaise Kerry Hudson parvient à dépeindre les premières années d’une jeun-fille née d’une mère adolescente au chômage dans un Royaume-Uni triste comme la pluie sans jamais sombrer dans le mélodrame. On ose à peine le dire, au vu de l’intrigue mais à l’image de son titre, Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, est un roman haut en couleur. La traduction est disponible depuis ce 2 janvier même, aux éditions Philippe Rey.

[rating=3]

kerry hudsonQuand Janie Ryan voit le jour, seul son oncle vient la voir à l’hôpital. Sa grand-mère joue au bingo et son père est resté à Londres sans la reconnaître tandis que sa maman, une adolescente pas encore tout à fait prête pour s’occuper d’une petite fille, est rentrée dans son Ecosse natale, enceinte et terrifiée par le futur. Les premières années, le duo mère-fille vogue de logement social en logement social, frisant à chaque fois la séparation. Car même si elle vit des aides sociales dans les quartiers les plus terribles des villes les plus perdues d’Ecosse et d’Angleterre, la maman de Janie est une Ryan : têtue, au caractère bien trempée et aimante, malgré les difficultés. Difficultés au premier rang desquelles on trouve les hommes : entre Tonu Hogan, le dealer punk qui la bat et Doug, le gentil raté qui boit tout l’argent, il faut dire que la toute jeune mère a tendance à choisir le mauvais numéro, et à suivre des hommes qui offrent à peine une glace à sa petite Janie avant de lui enlever sa maman. Et pourtant, malgré une enfance très secouée, la petite Janie grandit, et si elle succombe à des responsabilités trop lourdes pour elle, puis à l’alcool, à la drogue et aux sirènes du mouvement gothique, elle n’en est pas moins décidée à ne pas reproduire les erreurs de sa mère. Avec tout l’amour de cette dernière.

Histoire d’amour et de jeunesse déficients mais histoire d’amour et de jeunesse tout de même, ce premier roman partiellement autobiographique décrit une réalité terrible sans jamais tomber dans le glauque et sans jamais perdre de son rythme, sa vivacité et ses couleurs. On apprend beaucoup sur les longues fiels devant le bureau d’aide sociale le lundi, sur la jungle urbaine et l’odeur des cités-dortoirs où junkies et poivrot se côtoient, sur les pensions strictes “bed and breakfasts”, qui exploitent la misères et les chèque sociaux de ceux qui sont dans le besoin. Mais pas d’apitoiement, donc, de la part du lecteur, mais seulement beaucoup d’empathie pour des personnages qui malgré une marge de manœuvre très réduite, parviennent à conserver amour, entraide et dignité. Un très beau roman, qui mérite d’être découvert…

Kerry Hudson, Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, trad. Florence Lévy-Paoloni, Philippe Rey, 304 pages, 19 euros. Sortie le 2 janvier 2014.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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