“Standard” : Nina Bouraoui se la joue Houellebecq
L’auteure de Mes mauvaises pensées (prix Renaudot 2005) et de Sauvage 2011 sort chez Flammarion le portrait d’un antihéros contemporain. Un bien beau style pour une vie très médiocre!
[rating=3]
Bruno Kerjen atteint 35 ans dans son petite appartement de Vitry. Ingénieur, il se cantonne à un poste lambda dans une entreprise d’informatique, Porte d’Italie, et le travail représente toute sa vie. Son seul et unique rêve était de quitter le café-bar que tenaient ses parents en Bretagne et avoir réussi lui suffit. Mais à la mort de son père et à l’annonce du retour de la femme fatale de ses années lycées au petit village où il a grandi près de Saint-Malo, l’employé standard se demande s’il ne devrait pas revoir ses rêves à la hausse pour séduire la plus si jeune femme.
Si le début du livre a un côté “mon père est mort hier”, Nina Bouraoui prend plaisir à décrire un homme tellement désenchanté et sans horizons qu’il en devient visqueux. Avec une jolie plume elle décrit le manque de sentiments, sinon celui de la fatalité des accidents successifs d’une vie sans sens, le rapport mièvre à l’argent et glauque aux femmes. Finalement, le personnage féminin arrive bien tard pour qu’aucun suspense ne plane dans ce roman qui s’annonce dès les premières pages comme un long châtiment. Avec son antihéros “standard” Nina Bouraoui étend le domaine de la lutte au-delà de tout désir de combat. Apathique, antipathique et insipide, Kerjen finit puni pour son manque d’hybris. De là à imaginer que l’auteure a voulu faire oeuvre de moraliste, il n’y a qu’un court chemin à parcourir. A lire, pour l’écriture précise d’un thème annoncé comme le comble de la banalité.
Standard, de Nina Bouraoui, Flammarion, 285 p., 19 euros. Sortie le 8 janvier 2014.
“L’amour c’était un amas de dépendances, chacun y trouvant son compte puis disparaissant quand la faim, la soif, n’étaient plus satisfaites. Bruno se félicitait de ne dépendre de personne, en dépit de la tristesse que cela provoquait en lui parfois. Il se consolait vite, quelques bières, du porn-tel, des virées quand il se retrouvait à Saint-Servan avec Gilles et tout rentrait dans l’ordre” p. 96-97.
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MARTIN Serge
Vous ne pouvez pas comparer Nina Bouraoui et Michel Houellebecq. Le cynisme n’est pas le même. Celui de Houellebecq est personnel, plein de clichés, de stéréotypes, même si sa façon d’écrire est exceptionnelle, alors que Nina Bouraoui décrit une situation, crue, proche du réel de beaucoup, sans jugements, ni conclusions hâtives. Surprenant comme comparaisons.