Fictions
Solitude d’un critique dans les « Hôtels d’Amérique du Nord »

Solitude d’un critique dans les « Hôtels d’Amérique du Nord »

16 October 2016 | PAR Julien Coquet

Dans son dernier livre, le New Yorkais Rick Moody invente un personnage critique d’hôtels pour mieux parler de la solitude, de l’amour et…des hôtels. Avec une bonne dose d’humour grandement appréciée.

[rating=4]

Comme le prouve, entre autres, Les Liaisons dangereuses, le procédé fut très utilisé au XVIIIème siècle et se retrouve même dans le dernier roman de Rick Moody : une préface fait croire que l’on a trouvé un manuscrit comme tel que l’on propose de reproduire ici simplement. Ici, le manuscrit est remplacé par l’ensemble des critiques publiées sur NoterVotreHotel.com par la star des critiques, Reginald Edward Morse. Les critiques sont publiées dans le désordre : ni d’ordre chronologique ni de rassemblement par lieux.

Au départ, le roman se veut une critique objective des hôtels et on trouve alors de longues réflexions sur les clefs d’hôtel (faut-il mettre un porte-clefs ? Les clefs magnétiques se perdent-elles si facilement ?) ou sur les petits gâteaux présentés sur le comptoir du hall d’entrée. Mais petit à petit, le roman glisse vers un portrait de Reginald Edward Morse, un homme qui a une mystérieuse compagne, K., une fille dont on ignore l’âge et un métier quelque peu bizarre puisqu’il se présente en tant que coach en motivation.

Le portrait que fait Rick Moody de son critique évoque un personnage seul, errant d’hôtel en hôtel et postant ses critiques qui seront lues par ses fans. La force du roman tient surtout dans son style car l’auteur se révèle être spécialiste des accumulations qui captent les détails de la vie quotidienne : « C’était donc l’hôtel idéal pour moi, un hôtel avec un téléphone mural à l’ancienne dans le hall, un hôtel avec une piscine vide, un hôtel sans minibar, un hôtel fréquenté par des hommes qui n’étaient pas à la hauteur de leur travail ou qui avaient connu des revers dont ils ne parlaient pas en détail, des hommes qui se levaient le matin, se rasaient et accueillaient leur reflet par quelques épithètes choisies, des hommes qui avaient eu de grands rêves quand ils étaient jeunes et qui avaient d’autant plus lamentablement échoué à les réaliser, et lorsque je suis entré dans ma chambre, j’ai constaté que l’artisan était exactement mon genre d’artisan ». L’art de Rick Moody se fait aussi sentir à travers son humour, comme lorsque l’éditrice des chroniques du critique croit voir en lui un homme manchot, puisqu’il n’évoque jamais ses mains dans aucune de ses critiques.

Rick Moody, Hôtels d’Amérique du Nord, Editions de l’Olivier, 240 pages, 21€

Date de parution : 8 octobre 2016

Visuel: Couverture du livre

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Julien Coquet

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