Fictions
Rose Minuit de Marina De Van : les jeux de l’amour et de la haine

Rose Minuit de Marina De Van : les jeux de l’amour et de la haine

06 July 2016 | PAR Marianne Fougere

 Dans ce roman au titre trompeusement friand, Marina De Van s’interroge sur la relation, ô combien compliquée, d’un père avec sa fille. Ou quand paternité rime avec perversité.

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Un père et une fille c’est quelque chose d’important, une source de gaité pour l’un, un point d’ancrage pour la seconde. Ou du moins ça devrait l’être ; parfois les deux protagonistes de cette intrigue filiale refusent de remplir l’un pour l’autre la fonction souhaitable d’un père et d’une fille.

C’est l’histoire d’une telle déchirure que Marina De Van se propose d’explorer dans Rose Minuit,  mettant au service de cet ambitieux projet un dispositif digne de la médecine légale ou des cours de biologie du temps où, jadis, les dissections étaient encore permises. Sous la forme d’un monologue intérieur, entrecoupé des confidences d’autrui, en l’occurrence une “étrangère”, sa fille, Marina De Van adopte le point de vue du père. Victime d’un AVC, celui-ci git sur son lit d’hôpital lorsque se présente à son chevet sa fille qu’il refuse dans un premier temps de reconnaître. S’il consent finalement à recevoir celle qu’il juge responsable de la mort de sa femme, il pose néanmoins une condition : Florence aura droit de cité à ses côtés à condition seulement qu’elle lui livre dans le menu détail le récit de ses aventures sexuelles…

Entre rancœurs inavouées et bilan peu reluisant, ce jeu sadique est surtout l’occasion de dresser, en creux des cuisses d’une femme, le portrait d’un homme désespéré qui tente, malgré sa médiocrité, de se rassurer sur sa capacité à aimer. Le style de Marina De Van est aussi épatant de précision que la parodie relationnelle qu’elle met en scène est bouleversante de confusions. Tiraillé entre sentiment de compassion et de consternation, on hésite où placer notre loyauté : du côté du legs odieux ou de celui de l’affreux déchet ? Et si, bien plutôt, on refusait de choisir son camp, préférant à l’impossible rédemption le pari de l’amour possible, avec ou sans celui de ses parents ?

Marina De Van, Rose Minuit, Allia, avril 2016, 144 pages, 10 euros.

Visuel : couverture du livre

“Jardins d’orient : De l’Alhambra au Taj Mahal” à l’Institut du Monde Arabe jusqu’au 25 septembre
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Marianne Fougere

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