Fictions
Les Cent derniers jours de Patrick McGuinness

Les Cent derniers jours de Patrick McGuinness

24 September 2013 | PAR Yaël Hirsch

El lice pour le Medicis 2013 et bien trempé dans le style rétro de la Roumanie de Ceaucescu, “Les Cent derniers jours” prend à contre-pied le modèle du Bildungsroman avec un esprit very british. Un très beau livre où l’humour noir engage à la réflexion. 

[rating=4]

Mise en page 1Un jeune homme anglais est nommé, sans s’être présenté à l’entretien d’embauche, à un poste de lecteur en littérature à l’Université de Bucarest. Issu d’une famille modeste, avec un père amer et mourant, et n’ayant pas vraiment d’autre horizon ouvert, il accepte l’emploi et arrive en toute naïveté dans la Roumanie des années 1980. Guidé par un collègue haut en couleur, grande gueule mi-trafiquant, mi-politicard, il découvre vite un pays où la nonchalance masque mal une véritable politique de terreur. Et c’est dans les milieux des plus selects parvenus que le jeune inconscient tombe sur la femme la plus séduisante qu’il ait jamais rencontrée…

Dense, écrit avec une tension et une énergie qui sont presque violentes, ces mémoires à peine déguisées par l’humour d’un poète anglais aux prises avec un régime totalitaire et latin sont des véritables perles pour qui a envie de se retourner et réfléchir à la question de la liberté telle que l’a Guerre froide a pu la poser. On retrouve à travers des personnages truculents,  cette Roumanie apparemment absurde et folle mais en réalité pleinement totalitaire qu’avait décrite avec nostalgie le réalisateur Christian Mungiu dans ses “Contes de l’âge d’or“. Les Cent derniers jours est un livre d’adulte sur une jeunesse aventurière, qui sait mêler les registres du roman d’éducation, thriller et jeux d’autofiction, sans jamais oublier d’épicer le réflexion existentielle et politique d’humour et d’autodérision.

“Les cent derniers jours de Patrick McGuinnness”, trad. Karine Lalechère, Grasset, 22 euros.

Grace à Léo j’avais moins l’impression de vivre dans une dictature stalinienne que dans une incuritocratie véreuse : brutale et maladroite, parfois comique? souvent absurde. Notre croyance dans la cruauté du système était tempérée par la croyance qu’il n’était pas assez organisé pour exercer cette cruauté. Nous avions tort, mais quand on connaissait quelqu’un capable de se tirer d’embarras comme Léo, on finissait par éprouver un dangereux sentiment d’impunité. l’idée ne m’effleurait pas que l’insignifiance puisse produire le même effet“. p. 120.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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