Fictions
Laëtitia ou la fin des hommes de Ivan Jablonka fait feu de tout bois.

Laëtitia ou la fin des hommes de Ivan Jablonka fait feu de tout bois.

04 November 2016 | PAR La Rédaction

Laëtitia ou la fin des hommes de Ivan Jablonka, enquête poignante publiée aux éditions du Seuil, remporte le prix Médicis. Du fait divers au fait social, l’historien et romancier fait feu de tout bois.
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« La vérité de la mort de Laëtitia serait de peu d’importance si on la séparait de la vérité de son existence, de la solitude qu’elle a endurée, des voies qu’elle s’est choisies, du milieu et de la société qui furent les siennes. » Le projet d’Ivan Jablonka, fruit d’une enquête minutieuse, entend ainsi redonner sens et âme à un nom qui défraya la chronique en janvier 2011. Ce nom, Laëtitia Perrais, est celui d’une jeune fille, enlevée à cinquante mètres de chez elle, avant d’être violée et sauvagement assassinée. L’emballement médiatique et la récupération politique (Nicolas Sarkozy, reproche alors aux juges de ne pas avoir assumé le suivi du « présumé coupable », précipitant 8000 magistrats dans la rue) dépassent le commun : un mois durant et jusqu’à ce que les enquêteurs retrouvent la victime, le fait divers fait la une.
La plume d’Ivan Jablonka s’efface devant le sordide pour mieux s’affirmer à de rares moments, plus forte, touchante et alors à propos. Le romancier livre ainsi un vibrant hommage à la jeune fille disparue. En creux, un rapport ambivalent à l’objet d’étude se dessine chez l’auteur, entre distanciation et implication toute personnelle. Cette honnêteté n’enlève rien au propos, et compose un portrait humain et personnel qui dépasse les simples faits.

D’un point de vue littéraire, le romancier fait mouche. Jamais entreprise littéraire ne nous a emmené si loin dans le traitement du réel. Il n’est certes pas question de fiction, mais les frontières entre littérature, histoire et sciences humaines sont fondues et repensées dans un dialogue permanent. Un chantier à explorer et questionner.
Pourtant, l’embrigo de disciplines auxquelles Ivan Jablonka fait appel rend l’entreprise délicate. Le professeur d’histoire contemporaine multiplie les justifications et les marqueurs intellectuels (description des procédés d’enquête, citations d’auteurs et de pères intellectuels, sources et cartes en paratexte). Ces éléments formels et nécessaires apportent du crédit à son raisonnement là où l’on attendrait de la profondeur. S’il touche le plus souvent juste et que sa vision du fait divers et social, loin de tout misérabilisme, rappelle notre société à ses fondements et ses responsabilités, certaines analyses ne convainquent pas toujours.

Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes, éditions du Seuil, 383 pages.
Date de parution : août 2016

Adrien Leroy.

©DR

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