« La couleur de l’eau » : Kerry Hudson réactive joliment le mythe de l’amour rédempteur
On avait découvert l’écriture impérieuse de l’écossaise Kerry Hudson avec le magnifique roman, grave, social et vivant Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman (Philippe Rey, 2014, voir notre article). La voici de retour, toujours dans des milieux simples et heurtés par la vie, dans un roman où l’amour rédime l’abject avec simplicité et grâce. Magistral.
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Dave est vigile dans un magasin de luxe à Londres. Il s’éprend d’une très jolie et modeste voleuse qu’il “couvre” et qui l’héberge chez lui. D’origine russe, Alena est à la fois très secrète, vive, fière et très reconnaissante. Elle porte à la fois la meurtrissure et le lourd secret d’une vie antérieure grave. De son côté Dave a aussi été heurté dans ses choix. Immédiatement, ils prennent soin l’un de l’autre et la vie reprend ses droits : Alena distribue des journaux gratuits, battant avec joie le bitume londonien, tandis que Dave apprend à faire les course et à la gâter sans la gêner. Mais évidemment, les fantômes du passé frappent un jour à la porte de leur nid d’amour et de sécurité.
Maîtresse en portraits de femme, Kerry Hudson fait de sa Alena un aimant complexe et fascinant autour duquel tourne un roman magnifique, bien construit, et touchant à la fois au sordide et au sublime avec une agilité étonnante. La simplicité et la profondeur marchent ensemble dans ce livre à la fois universel et très original où l’auteur réinterprète avec succès le mythe de l’amour qui soigne et qui rachète. Une très belle oeuvre, à découvrir en priorité dans le flot généreux de la rentrée littéraire.
Kerry Hudson, La couleur de l’eau (Thirst), trad. Florence Lévy-Paoloni, Philippe Rey, 352 p., 20 euros, sortie le 20 août 2015.
visuel : couverture du livre