Fictions
Elena Tchijova : La planète des champignons, une semaine dans une datcha

Elena Tchijova : La planète des champignons, une semaine dans une datcha

25 July 2018 | PAR Jean-Marie Chamouard

Avec La planète des champignons, Elena Tchijova décrit la vie quotidienne dans une datcha et aborde simultanément des thèmes historiques et philosophiques.
[rating=4]

Lui est traducteur et il se réfugie dans la Datcha de ses parents pour travailler. Il traduit un livre de science fiction. La datcha est située près de St Petersbourg dans l’isthme de Carélie. La canicule, inhabituelle, dans ces lieux, répand une torpeur estivale pesante. Il est enlisé par un problème pratique : réparer la serrure de la porte d’entrée. Il est introverti, et mène une vie ritualisée. Elle, arrive le premier soir en voiture dans la Datcha de ses parents également décédés, en vue de la vendre. Elle travaille dans le commerce et affronte de manière pragmatique les difficultés du quotidien.
Les deux personnages se sont un peu connus dans l’enfance, pendant les étés passés dans leurs Datchas voisines. Ils souffrent d’un manque de reconnaissance de la part de leurs parents .Elle est dans l’opposition et la réaction, lui dans la culpabilité. Il a l’impression d’être passé à coté de sa vie et tous deux souffrent de solitude. Il dialogue en pensée avec ses parents et avec son ami Marlen également décédé et elle, avec un fils qu’elle n’a pas eu. Leur première rencontre, conflictuelle, est motivée par un problème administratif : faire signer par les voisins le document rose du cadastre pour pouvoir vendre la datcha.
Le cadre du roman est la forêt toute proche, omniprésente parfois inquiétante. C’est le royaume des champignons et les champignons sont un art de vivre. Les aspects de la vie post soviétique sont décrits : les datchas, les vieilles marchandes de légumes, la culture de parcelles afin de remplir les bocaux pour l’hiver et le souvenir de l’effondrement économique des années 90, crash personnel pour les parents.
A la fin du roman elle perd l’illusion de « l’innocence de son père ». Il survient alors une violente tornade qui endommage les datchas et la forêt environnante. C’est dans cette atmosphère de fin du monde que survient leur véritable rencontre.

Le livre comporte sept chapitres correspondant aux sept jours de la semaine et aux sept jours de la création du monde dans la bible. Le livre est très intimiste, son rythme est lent. La personnalité et le passé des deux personnages se dévoilent ainsi peu à peu au fil des souvenirs et de leur monologue intérieur.
L’auteur aborde le problème de la relation au temps et au passé. Elle s’interroge sur les difficultés de vivre quand le monde de ses parents et de son enfance n’existe plus. Elle traite aussi la question du mal comme le montre le tableau du jugement dernier situé dans la datcha parentale qu’elle appelle le « présage du mal » .Le rapport moral au passé soviétique est ambivalent et il divise les générations .IL existe la culpabilité concernant les crimes et l’antisémitisme du régime mais aussi la nostalgie des relations humaines d’alors et l’impression depuis le nouveau régime d’une régression culturelle et d’une injustice devenue insupportable .La création est également un thème récurrent, création artistique mais aussi dans la vie quotidienne, comme celle de « cultiver un beau jardin » . L’homme se doit ainsi « d’être le traducteur du destin de Dieu ».
La destruction finale du lieu où se déroule le récit est symbolique de la fin d’un monde et donne au roman une dimension métaphysique.

Elena Tchijova, La Planète des champignons, Les éditions Noir sur Blanc,336 pages, 22 euros, sortie le 23 Août 2018 .

visuel : couverture du livre

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Jean-Marie Chamouard

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