Fictions
“Effacer sa trace”, de Malika Wagner : un retour aux origines

“Effacer sa trace”, de Malika Wagner : un retour aux origines

03 March 2016 | PAR Marine Stisi

Malika Wagner, récompensée par le Prix Robert Walser en 1993 pour Terminus Nord, publie chez Albin Michel son cinquième roman, Effacer sa trace. Un livre en suspens qui met en lumière les difficultés d’identification des enfants d’immigrés, avec beaucoup de sagesse et de réflexion.

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L’image du père 

Un père est en train de mourir. Derrière lui, outre un nouveau pyjama et des nouvelles pantoufles, il laisse une vie faite de silences et de non-dits. Il laisse les souvenirs d’un pays qu’il a quitté pour venir s’installer en France, s’y marier, faire des enfants. Ces enfants, ces fils d’immigrés comme on les appelle, pourtant, n’ont rien à voir avec le pays de leur père. Mais ce père, mort, malgré son silence, laisse derrière lui une trace bien plus grande qu’il ne pouvait imaginer.

La narratrice du roman de Malika Wagner a vécu sa vie sans réellement se poser de questions, jusqu’au décès de ce père. Ce père maladroit, agressif, hermétique à toute tendresse, n’est plus. Avant de mourir, il a tenté de s’intéresser à ses enfants, a questionné la narratrice sur cette bibliothèque qui meuble son grand appartement parisien, quand lui, toujours, était resté dans cette banlieue où la fratrie avait grandi. Quand il est mort, quelques fantômes sont revenus, et notamment, celui des origines.

La découverte des sources

Après avoir pris la décision d’enterrer le père sur sa terre natale, là où il a grandi, là où se trouve toujours sa famille, les enfants et leur mère se rendent sur place. Ils y découvrent un monde à mille lieux du leur : quels liens un petit village perdu au Maghreb (dont la narratrice tait le nom) peut entretenir avec la Ville Lumière, « où tout paraît lumineux » ? Malgré des prénoms venus de là, une peau d’ébène, qu’ont-ils en eux de cet endroit ? La différence est colossale. Malgré la bonne volonté de chacun, ils ne peuvent être considérés autrement que comme des étrangers, des touristes aux mœurs et aux manières foncièrement différentes.

En France, pourtant, leurs prénoms à consonances étrangères leur jouent des tours. Certains membres de la famille ont même décidé de faire « franciser » le leur, pour éviter tous les désagréments liés au racisme ordinaire. Quelle place alors, quand dans son propre pays, on est considéré comme étranger, et quand on découvre ses origines, la différence est encore plus flagrante ?

Malika Wagner, dans ce très beau roman fait de faiblesses et de questionnements, de silence et d’intelligence, éclaire une génération de fils de. Des fils de qui n’ont jamais connu autre pays que la France, mais qui pourtant, détiennent en eux une part d’ombre dont la porte leur restera fermée à jamais.

Malika Wagner, Effacer sa trace, Albin Michel, 192 pages, 16,50€.

Date de parution : 3 mars 2016

Visuel : (c) DR

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Marine Stisi
30% théâtre, 30% bouquins, 30% girl power et 10% petits chatons mignons qui tombent d'une table sans jamais se faire mal. Je n'aime pas faire la cuisine, mais j'aime bien manger.

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