Fictions
“Après L’hiver” de Guadalupe Nettel : sombre et saisissant

“Après L’hiver” de Guadalupe Nettel : sombre et saisissant

30 November 2016 | PAR La Rédaction

Auteure mexicaine encore trop méconnue en France, Guadalupe Nettel signe aux éditions Buchet Chastel un récit à deux voix sombre et saisissant. Après l’hiver magnifie le froid de nos cœurs comme de nos villes.
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Jeune étudiante mexicaine, Cécilia se laisse aller dans son deux pièces parisien entre rêverie littéraire et fascination pour les inhumations qui se succèdent sous ses fenêtres, au cimetière du Père Lachaise. Claudio travaille à New-York dans une maison d’édition, il organise et rationnalise son quotidien pour que rien ne vienne troubler la quiétude de son appartement. Tous deux ont l’Amérique du Sud pour héritage, aiment la littérature autant qu’ils exècrent les vivants.

Une façon bien particulière d’être au monde
Inadaptés sublimes et austères rêveurs, ces deux personnages se répondent dans une habile construction en miroir. Au fil des pages d’Après l’hiver, traduit de l’espagnol par François Martin, Guadalupe Nettel révèle les sensibilités et les secrètes dépendances de ces misanthropes. Leurs refus des normes sociales, des codes culturels établis et leurs inflexibilités sont alors les symptômes des incapacités qui les animent : incapacité d’aimer, de goûter la banalité du quotidien ou de se satisfaire du quelconque. Ce paradoxe, cette liberté affirmée mais problématique, donne un souffle romanesque passionnant à l’épopée.
Lorsque l’auteure mexicaine décrit la rencontre amoureuse, on comprend également que la vulnérabilité de ses personnages lui permet de toucher à l’essence des sentiments. Guadalupe Nettel excelle à mettre en mots les pensées des deux narrateurs : « Lorsqu’elle est aussi irrécusable, l’expérience de l’amour porte en elle la menace d’une révolution, d’un changement radical, d’un renversement. Et on a beau éviter de prendre des décisions abruptes ou intempestives – ou préférer les remettre à plus tard, comme c’était mon cas –, tout semble au bord de l’effondrement, à la veille d’un tremblement de terre. »

Cimetières et littérature
Égrainés au sein du récit, deux motifs traversent le roman : les cimetières et la littérature. Dès les prémices du roman et pour donner corps et vie aux personnages, Guadalupe Nettel évoque la relation fondatrice que ceux-ci entretiennent avec les grands œuvres de la littérature latino-américaine – Hesse, Borgès, Cortazar – et française. Claudio, fraichement arrivé à Paris, part à la quête de la tombe du poète péruvien César Vallejo. Et le passetemps de Cécilia (observer des funérailles par la fenêtre) résume à lui seul l’écriture façon Nettel. Ces deux tropismes se retrouvent d’ailleurs dans le parcours de la romancière, qui mena à L’Ecole des Hautes Etudes en Sociales de Paris une thèse sur le concept de liberté dans l’œuvre du poète et essayiste mexicain Octavio Paz.

Ainsi sommes-nous plongés, au sein d’un dispositif narratif remarquable, dans une épopée singulière entre La Havane, Oaxaca au Mexique, New York et Paris. Où chaque ville a son refuge, chaque personnage sa bibliothèque et son cimetière. Après L’hiver nous emmène en toute noirceur dans un récit qui dépasse la simple aventure pour révéler les contrées plus sensibles de ces marginaux.

Après l’hiver, Guadalupe Nettel, éditions Buchet Chastel, 293 pages.

Date de publication : 08/09/2016

Adrien Leroy.

visuel : couverture du livre

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