Fictions
4 3 2 1, le grand roman de Paul Auster

4 3 2 1, le grand roman de Paul Auster

03 February 2018 | PAR Marine Stisi

Après sept ans d’absence, le romancier new-yorkais Paul Auster fait un retour fulgurant avec 4 3 2 1 publié chez Actes Sud, un roman complet de plus de 1000 pages, qui semble contenir (presque ?) toutes les vérités du monde. Tout simplement. 

[rating=5]

Archibald Ferguson

Le 3 mars 1947 né Archibald Ferguson dans une Amérique présidée par Harry S.Truman. Sa mère s’appelle Rose et son père, Stanley. Le père de celui-ci est arrivé en Amérique sans savoir parler un mot d’anglais et alors qu’on lui avait conseillé de changer son nom de Reznikoff pour Rockefeller, il oublie quand on le lui demande : “Ikh hob fargessen”, j’ai oublié en yiddish, répond-il, au moment de l’enregistrement. Et ainsi naissait la famille Ferguson.

De cette petite comptine qui contient dès lors une part énorme de l’histoire des Etats-Unis, Paul Auster, jongleur avec les mots, éternel conteur et poète, a imaginé quatre histoires, déjouant volontairement le hasard et les fruits qu’il apporte avec lui. Quatre possibilités d’évolution, quatre vies potentielles pour ce petit garçon, Archie Ferguson.

Voilà ainsi le lecteur embarqué dans une entreprise colossale, celle de suivre l’évolution (en tentant de ne pas trop s’y prendre les pieds !) de ces vies qui se succèdent : l’enfance, l’adolescence, les premiers pas dans l’âge adulte… Chacun son tour. Archie se décline sous nos yeux, différent toujours, mais pas fondamentalement. C’est trompeur certes, mais c’est brillant. Un détail, un rien du tout, peut changer quelque chose, mais pas l’essentiel. En effet, les essentiels, eux, restent. La mère. L’amour. Les mots. Mais que se passerait-il si… Si ? Toute la magie et l’ingéniosité de ce roman est contenu dans ce simple mot. “Si”…

Who will really makes America great again ?

Paul Auster n’a cessé de faire de New-York la toile de fond de ses romans, dans sa Trilogie new-yorkaise bien sûr, mais aussi dans The Brooklyn Follies ou La Nuit de l’oracle. Mais l’Amérique, ici, n’est pas, loin de là, cantonné à un simple décor. New-York, et l’Amérique de manière plus générale, devient le deuxième personnage (après Ferguson, bien sûr) le plus important de ses récits. Les quatre vies du héros n’auraient, encore une fois, pas été les mêmes si l’Amérique n’était pas l’Amérique, si New-York n’était pas New-York.

Peut-être que 4 3 2 1 non plus n’aurait pas été le même si “le 45ème président des Etats-Unis” (le nom que Paul Auster donne à Donald Trump) avait été différent. Mais la voix de Paul Auster, cette voix américaine-là, a le mérite de nous donner à voir de la beauté quand le président qu’il déteste en est totalement dépourvu.

En refermant cette immense fresque, 4 3 2 1 nous semble être un roman qui réussit à jongler habilement entre le social et le politique, entre le sentimental et le personnel. Un roman brillant, qui nous conte aussi bien le cinéma, le sport que la musique. Un roman total, complet, indéniablement intelligent et bienveillant. On y trouve aussi des parts entières de la vie de l’auteur, des hommages à ses propres amours, à son propre passé. Et en ça, 4 3 2 1 est, sans doute, le plus grand livre de la carrière de Paul Auster.

Paul Auster, 4 3 2 1, Editions Actes Sud, 1024 pages, 28€.

Couverture : ©DR

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Marine Stisi
30% théâtre, 30% bouquins, 30% girl power et 10% petits chatons mignons qui tombent d'une table sans jamais se faire mal. Je n'aime pas faire la cuisine, mais j'aime bien manger.

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