Essais
« Une vie à l’Opéra » de Gérard Mannoni : Ce qu’était la critique musicale

« Une vie à l’Opéra » de Gérard Mannoni : Ce qu’était la critique musicale

20 October 2018 | PAR Julien Coquet

Gérard Mannoni, grand critique de musique classique et de danse, livre ses souvenirs, entremêlant portraits d’artistes et descriptions de grandes représentations.

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Il a parcouru toutes les scènes lyriques et chorégraphiques, des Seychelles en Chine, en passant par une croisière de la danse en Grèce et du Mozart en arabe en Egypte, et a eu la chance de converser avec les plus grands artistes du XXème siècle : Gérard Mannoni, critique au Quotidien de Paris, à Classica, à la radio, etc. n’est pas avare de souvenirs dans son dernier livre. On pourrait d’ailleurs trouver le titre un peu pompeux : Une vie à l’opéra, vraiment ? Pourtant, « les spectacles, pendant les années Quotidien de Paris, ce furent quelques trois cent trente soirées par an ». Alors, nous, modestes mélomanes, ne pouvons que nous incliner devant la performance.

Heureusement, Gérard Mannoni ne prend jamais une pause explicative qui pourrait être condescendante. Toujours le mot juste, la transcription idéale de ce qu’il entend et de ce qu’il voit, prouvant alors le pouvoir de la critique musicale. L’intérêt de ce livre tient à la force des portraits et aux quelques anecdotes sur les soirées mémorables, comme celles de l’Opéra de Paris : le Faust de Lavelli, les ballets signés Béjart, le premier concert de Maria Callas à Paris en 1958… On découvre alors un monde un peu oublié, ou en tout cas qui a changé, un monde où on se levait très tôt pour faire la queue devant la billetterie, où on était presque obligé de porter le costume pour certaines grandes soirées, où obtenir des places pour le festival de Bayreuth n’était pas si difficile. A chacun de juger si ces changements sont bénéfiques ou non même si on comprend que Gérard Mannoni porte un regard nostalgique et critique sur un monde passé et révolu, critique particulièrement sur les mises en scène dites « modernes » : « Il y a dans le répertoire lyrique comme dramatique beaucoup d’œuvres qui ne sont plus directement à la portée de la sensibilité ni de la compréhension immédiate de nos contemporains. Mieux vaut certainement les respecter et les laisser dormir tranquilles jusqu’à ce qu’un prince charmant metteur en scène sache les réveiller et nous donner envie de les épouser, sans nous tromper sur leur signification ni les charger de messages dont elles n’ont que faire ».

La magie des souvenirs est quelque peu brouillée par une organisation décousue, passant d’un danseur à une tournée, d’une chanteuse à un festival. Le livre pourtant fourmille de rencontres qui donnèrent naissance à des amitiés et le lecteur croisera Jonas Kaufmann, Elisabeth Schwarzkopf, Jessye Norman, Balanchine, Serge Lifar, Luciano Pavarotti, etc. Le lecteur picorera d’anecdote en anecdote les souvenirs d’une vie émerveillée, dédiée à l’art lyrique et à l’art chorégraphique.

A propos de La Damnation de Faust de Berlioz monté par Alvis Hermanis en 2015 à l’Opéra Bastille :
« Comment s’indigner que Méphisto n’ait pas eu l’uniforme réglementaire (dans le Faust selon Lavelli) alors que le tout dernier Faust de la Damnation de Berlioz est devenu un cosmonaute qui part pour Mars et que des projections, au demeurant fort belles, d’escargots s’accouplant ou de grouillements de spermatozoïdes accompagnent les airs les plus romantiques de la partition ? Chaque époque a les révolutions artistiques qu’elle mérite. »

Une vie à l’Opéra. Souvenirs d’un critique, Gérard Mannoni, Buchet Chastel, 256 pages, 20 €

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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