Le journaliste et l’assassin : Janet Malcom au coeur de l’éthique de la presse
Fruit d’une enquête menée pour le New-Yorker et qui a fait l’objet de deux articles au printemps 1989, “Le journaliste et l’assassin” est sorti sous forme d’essai de réflexion sur l’éthique du journaliste en 1990 aux États-Unis. Cette mise en abyme passionnante de l’enquêteur sous pression, le livre de Janet Malcom est enfin publié en France, dans la collection “Washington square” des éditions François Bourin, dirigée par Julien Charnay.
En 1970, deux jeunes-filles et une femme enceinte sont retrouvées mortes chez elles. Le père et marin, Jeffrey MacDonald est un jeune médecin séduisant qui assure que quatre étrangers sont entrés et ont commis ce terrible crime. Neuf ans plus tard, alors qu’il a refait sa vie, MacDonald est rattrapé par la justice. Le journaliste, Joe McGinniss, connu pour un livre sur la campagne de Nixon et en manque d’argent rejoint l’équipe de défense du médecin. Il vit avec lui pendant trois mois et après la condamnation de MacDonald, les deux hommes ont un échange épistolaire de trois ans qui débouche sur un best-seller, “Fatal Vision” (1983). Alors qu’un véritable lien d’amitié semble s’être formé entre les deux hommes et que MacDonald attend beaucoup de ce livre pour le réhabiliter, l’essai est en fait un texte accablant… Depuis sa prison MacDonald attaque alors le journaliste en justice et sa trahison parvient à susciter de l’empathie…
Ne cherchant pas à résoudre la question – insoluble, dit-elle à plusieurs reprises- de la culpabilité de MacDonald dans les meurtres, Janet Malcom mène une enquête sur l’enquête de McGinniss. A la fois amenée à rencontrer tous les acteurs des deux procès (pour meurtre et pour diffamation) et à passer du temps avec MacDonald, elle se retrouve elle aussi prisonnière de ce terrible jeu de pouvoir qui existe entre un journaliste et son “sujet”. Figurant sur la liste de la Modern Library parmi les “100 meilleurs essais” du 20ème siècle, cette enquête palpitante et qui pose des questions de déontologie absolument cruciale est enfin traduite en Français, 10 ans après son succès aux Etats-Unis. Peut-être que la manière de faire du journalisme en France n’a jamais été comparable à celle de certains journalistes américains qui passaient plusieurs jours ou plusieurs mois avec les sujets de leur enquête, laissant le temps de s’installer à cette relation pouvoir problématique où chacun souhaite nécessairement manipuler l’autre. Et si les interviews durent désormais plus souvent 30 minutes que trois mois, cette relation de séduction demeure et les questions d’éthique que pose Janet Malcom sont d’une actualité brûlante.
Janet Malcom, “Le journaliste et l’assassin”, trad; Lazare Bitoun, François Bourin Editeur, collection “washington square” (dir. Julien Charnay), 220 p., 20 euros. Sortie le 15 mai 2013.
Notre chronique de “Un refuge dans ce monde Impitoyable” de Christopher Lasch, également publié dans la collection “Washington square”.
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