Essais
“La course secrète” Tyler Hamilton ouvre le rideau sur les coulisses du cyclisme

“La course secrète” Tyler Hamilton ouvre le rideau sur les coulisses du cyclisme

06 May 2013 | PAR Jean-Paul Fourmont

Coureur cycliste américain et champion olympique en 2004, Tyler Hamilton publie son journal intime avec le concours de Daniel Coyle, un journaliste américain. Paru aux Presses de la Cité, cet ouvrage raconte les coulisses du cyclisme, que la vertu n’étouffe pas…

Tyler Hamilton et Daniel Coyle, La course secrète.COMMENT LE LIVRE EST NE
Daniel Coyle a déjà écrit, il y a quelques temps, un livre sur Lance Armstrong, intitulé La guerre de Lance Armstrong. A l’époque, Lance passait pour un héros : il avait vaincu le cancer et  était devenu un très (trop ?) grand champion. L’omerta régnait sans partage sur ses pratiques et sur le dopage. Puis, en mai 2010, l’Etat américain ouvrit une enquête préliminaire sur Lance Armstrong et son équipe « US postal ». La suite est connue… Le coureur cycliste américain avoua s’être dopé durant toutes les années, où il remporta plusieurs fois les titres les plus prestigieux.

TYLER HAMILTON : « CELA FAIT DU BIEN DE PARLER DU DOPAGE »
Tyler Hamilton a récemment décidé de parler, de tout dire sur le dopage. Pour lui, Lance est éminemment différent des autres coureurs, il a un inextinguible « besoin de gagner », qui l’a finalement perdu. Depuis les origines du cyclisme, explique-t-il, dopage et cyclisme vont de pair. Pendant la première moitié du XXe siècle, les coureurs prenaient des stimulants qui agissaient sur le cerveau (cocaïne, éther, amphétamines) et qui réduisaient sensiblement la fatigue. Puis, dans les années 1970, de nouvelles substances apparurent, lesquelles ciblent les muscles et les tissus conjonctifs, apportent la puissance et réduisent le temps de récupération, comme les stéroïdes et les corticoïdes.

Ensuite, l’EPO fut utilisé à partir des années 1980. Il s’agit d’une hormone naturelle qui amène les reins à produire davantage de globules rouges. Cela permettait d’améliorer la performance de plus de 5%. Sous le règne d’Armstrong, il y avait tout un langage codé pour parler de l’EPO : « salsa », « thérapie », « Edgar ». Ainsi que l’explique l’auteur, « quelques gouttes d’EPO et vous êtes soudain capable de franchir des barrières sur lesquelles vous butiez depuis toujours ».

LE DOPAGE N’EST PAS UNE AFFAIRE DE TIRE-AU-FLANC Toutefois, selon Tyler Hamilton, personne ne se lance dans le vélo avec l’intention de se doper. Le dopage n’est pas non plus une affaire de tire-au-flanc, bien au contraire. Cela conduit indiscutablement à souffrir de nombreux effets indésirables.

Ainsi, le vainqueur d’une course n’est pas nécessairement celui s’est entraîné le plus dur, mais celui dont la physiologie réagit le mieux aux produits. Le cyclisme, c’est désormais une guerre entre les différents médecins des équipes cyclistes. Le nouveau visage du coureur cycliste se fonde également sur l’obéissance.

LE CARACTÈRE DE LANCE ARMSTRONG
Pour Lance Armstrong, il n’y a pas de zone grise ni de demi-mesure : tout est soit super soit épouvantable. Il déteste les geignards et ceux qui n’y arrivent pas. Pourtant, dès qu’un coureur cycliste montrait une puissance étonnante, il disait en français « pas normal » d’un air entendu… Il est vrai qu’il s’y connaissait ! Très irascible et capricieux, Lance Armstrong se mêlait de tout. Il faisait régner la terreur dans son équipe et plus largement dans le peloton.

TOUT LE MONDE N’EST PAS DOPE AU MÊME DEGRÉ
Plus on est bon, explique Tyler Hamilton, plus on a de l’argent et plus on a accès aux bons produits. Le plus souvent, il faut aller en Espagne pour les transfusions et pour récupérer des poches de sang. Celui qui peut se payer un jet privé, sans se soucier des horaires et des contrôles douaniers, est terriblement avantagé.

MOTOMAN
Depuis 1999, Lance employait Philippe (i.e. Motoman), lequel suivait le Tour de France à moto avec une boite d’isotherme bourrée d’EPO et un téléphone prépayé. Quand Lance Armstrong voulait de l’EPO, en toute simplicité, il contactait Motoman.

Cet ouvrage présente un témoignage unique et d’une franchise exceptionnelle sur le petit monde du cyclisme, sur le Tour de France et sur l’incompréhensible connivence de la presse sportive française. En France, seul le journal « Le Monde » a émis des doutes et Lance ironisait en leur répliquant tout bonnement qu’il était « un miraculé ».

C’est une véritable enquête à l’anglo-saxonne, qui jette une lumière crue sur la connivence qui a existé pendant des années entre tous les participants, les organisateurs, l’UCI (organisation internationale qui gère le cyclisme au niveau mondial), les sponsors et les coureurs. L’UCI accepta des certificats de santé de complaisance, qu’elle savait pertinemment faux.

Lance Armstrong est un personnage odieux par son caractère et par la « terreur » qu’il fit subir à son entourage. C’était un véritable « parrain », il contrôlait tout, même les revenus de ses coéquipiers. De plus, pour lui, « le dopage faisait partie des choses de la vie : soit tu te dopes soit tu dégages ». Tyler Hamilton montre bien l’envers du décor. Il existait une sorte de « fraternité du dopage » au profit de l’élite du peloton.

C’est un excellent ouvrage, une véritable réussite, qui donne froid dans le dos et se lit comme un thriller ! Quid des autres sports ?

Tyler Hamilton et Daniel Coyle, “La course secrète“, Presses de la Cité, mars 2013, 328 p., 20 euros.

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Jean-Paul Fourmont
Jean-Paul Fourmont est avocat (DEA de droit des affaires). Il se passionne pour la culture, les livres, les gens et l'humanité. Contact : [email protected]

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