Décès de l’économiste Albert O. Hirschman
L’économiste américain d’origine juive-allemande est mort le 11 décembre dernier à l’âge de 97 ans. Spécialiste de l’économie du développement puis auteur de livres à cheval entre l’économie et l’histoire des idées notamment du fameux “Exit, voice, loyalty” qui met un peu de psychologie dans l’application de la théorie des jeux à l’engagement politique (1970) et d’un essai sur la “rhétorique réactionnaire” (1991), Albert O. Hirschman laisse une riche œuvre interdisciplinaire derrière lui.
Étudiant dans son pays natal, l’Allemagne, à la Sorbonne, à la LSE et à l’université de Trieste, Albert O. Hirschman est plus qu’un parfait étudiant européen. Il était également engagé dans les combats politiques de sa jeunesse, auprès des Républicains espagnols, puis il est l’un des appuis du journaliste Varian Fry, dans son entreprise extraordinaire de sortir les intellectuels communistes et juifs-allemands de l’Europe nazie pour tenter de leur obtenir visa, refuge et travail aux États-Unis. Lui même soutenu par une bourse Rockefeller de 1941 à 1943 à Berkley, il s’engage comme économiste dans l’armée américaine en 1943. Il participe à l’organisation du plan Marshall comme conseiller de la banque fédérale. Dans les années 1950, il devient conseiller privé du gouvernement colombien.
Ce n’est qu’au milieu des années 1950 qu’il commence sa carrière universitaire à proprement parler, en tant qu’enseignant, et ce dans les plus grandes universités américaines : Yale, Columbia, Harvard (1964-1974) et Princeton (Institute for Advanced Studies). Donc exclusivement des membres de l’Ivy League. Sa “Stratégie de l’économie du développement” (1958) est un des ouvrages fondateurs de la matière. Mais Albert O. Hirschman est surtout connu pour la voie de recherche qu’il a tracée entre Histoire des idées et économie. Dans la deuxième partie de sa vie, avec des livres comme “Exit, Voice, Loyalty” (1970), “Les passions et les intérêts” (1977) ou encore “La rhétorique réactionnaire” (1991), l’économiste, retraité en 1985, ouvre une brèche dans le schéma un peu rêche de l’homo economicus cher aux libéraux, pour le mâtiner de fines observations psychologiques, culturelles et historiques.
Chaque année un prestigieux prix à son nom est remis par le Social Science Research Council à l’un des meilleurs chercheurs américains en sciences sociales.