Beaux-Livres
Trois livres pour mieux connaître André Derain chez Hazan

Trois livres pour mieux connaître André Derain chez Hazan

30 November 2017 | PAR Yaël Hirsch

A l’occasion de la première grande rétrospective qui lui est consacrée depuis plus de 20 ans au Centre Pompidou (litre notre article) et juste après l’exposition Balthus, Derain, Giacometti au MAM (notre article), le peintre André Derain (1880-1954) est au cœur de trois ouvrages qui éclairent chacun à leur manière ce “mal aimé de la peinture moderne” pour citer Michel Charzat, l’auteur de la grande biographie Le Titan foudroyé (Hazan). Intime et témoin d’un temps troublée, la correspondance de guerre avec sa femme, Alice, éclaire l’homme, tandis que coloré et précis, André Derain en quinze questions permettra de démêler le faux du vrai sur la vie et livre de cet artiste d’avant-garde à qui la renommée n’a pas pardonné d’avoir participé au voyage organisé par les allemands pour les artistes français en 1941.

Né à Chatoux, artiste l’origine du fauvisme avec Matisse, puis du cubisme avec Braque, André Derain a pu être considéré au début du 20e siècle comme un “nouveau Raphaël”. Et pourtant, ce que montre très bien l’exposition du Centre Pompidou en se focalisant sur la “décennie radicale” et en laissant de côté la seconde moité de la période active et créative du peintre, c’est qu’il y a une cassure. Et que celle-ci intervient bien avant la fameux voyage des artistes français en Allemagne pendant la collaboration. C’est la Première Guerre mondiale, le choc des tranchées, la perte des amis de jeunesse qui fait trembler le Titan. Publiées publié sous la direction de Geneviève Taillade et Cécile Debray, en coédition avec le Centre André Derain et le Centre Pompidou, les Lettres à Alice (1914-1919) sont un carnet de poilu solitaire, en demande de lettres et d’attention, angoissée et terriblement déprimé par la guerre et sa bêtise profonde.

Un Derain qui se fait aussi parfois plus écrivain que peintre, tentation que relève Michel Charzat dans sa somme biographique qui permet d’aller plus loin que le succès d’illustrateur et peintre parvenu à faire la synthèse du primitivisme et classicisme avec un succès international dans l’Entre-deux-guerres (article du critique britannique Clive Bell “La souveraineté de Monsieur Derain”, en 1921). Michel Charzat nous parle des nombreuses et jeunes femmes de Derain, de ses doubles vies, de l’embonpoint qui augmente chez cette force de la nature, des doutes, même au plus haut de son opulence, avec la complicité du marchand d’art Paul Guillaume dans les années 1930. Ce portrait d’un “homme trop vivant pour sa propre vie”, pas du tout convaincu par l’occupation nazie et regrettant dès l’arrivée à Berlin son geste, explique le relatif oubli dans lequel le peintre est tombé, sans jamais tout à fait percer le mystère du devenir de sa peinture… La biographie est également illustrée de nombreux portraits où le visage du “Titan foudroyé” fascine et garde lui-aussi tout son mystère.

Plus distant et très efficace dans la manière de replacer Derain dans le contexte d’explosion et de recherche formelle qui a été son milieu naturel, avec Vlaminck, Matisse, Braque et Picasso, André Derain en 15 questions de l’historien d’art et conservateur au musée d’Orsay Stéphane Guégan fonctionne sur le modèle de fiches bien écrites et faciles à retenir. Ouvertes, franches, les questions sont toutes développées sur deux pages riches et facile d’accès. Une très belle voie d’accès à l’univers complexe du peintre.

André Derain «Lettres à Alice», correspondance de guerre, 1914-1919, sous la direction de Geneviève Taillade et Cécile Debray, Hazan, 312 p., 25 euros.
Michel Charzat, André Derain, Le titan Foudroyé, Hazan, 494 p., 396 euros. Sortie le 2 septembre 2017.
Stéphane Guégan , André Derain en 15 questions, Hazan, 96 p., 15.95 euros. Sortie le 15/10/2017.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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