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Interview de Maïté Verjux, autrice engagée

Interview de Maïté Verjux, autrice engagée

08 March 2018 | PAR Laetitia Larralde

Maïté Verjux, jeune autrice de bande-dessinée qui a récemment publié Petite balade et grande muraille aux Editions Fei (voir article), nous donne sa vision du féminisme et de la place de la femme aujourd’hui.

Dans ta bande dessinée Petite balade et grande muraille tu as choisi d’utiliser l’écriture inclusive. Quel sens cela a-t-il pour toi ?
Au moment où je l’ai fait il n’y avait pas encore tous les débats qu’il y a eu l’automne dernier sur l’écriture inclusive. Je trouvais que c’était un moyen de communication intéressant, qui est très peu utilisé, et que c’était important pour beaucoup de personnes qui ne se reconnaissent pas forcément dans le mode d’écriture classique. C’était une volonté féministe, mais aussi plus globale, pour faire sortir de l’ombre toutes les personnes non binaires ou celles qui se considèrent comme un genre, et qui ont un cruel manque de représentation dans les médias classiques. C’était intéressant de pouvoir avoir accès à des médias culturels qui soient en accord avec la manière dont eux se considèrent et se représentent.
Pour aller plus loin, voir la note de Maïté sur l’écriture inclusive ici

Te considères-tu comme étant féministe ? Quelle est ta définition du féminisme ?
Oui. J’ai du mal à me dire qu’on puisse se considérer comme n’étant pas féministe. Je pense que les hommes et les femmes doivent être égaux. Pour moi c’est simplement militer pour l’égalité des genres.

Tu as 25 ans, quelle est ta vision de l’approche féministe des gens de ta génération ?
Je pense que ça ne dépend pas que de l’âge, ça dépend aussi beaucoup du milieu. J’ai fait toutes mes études dans un milieu artistique où il y a une certaine ouverture d’esprit par rapport à ces questions-là, donc les personnes avec qui je suis en lien au quotidien sont plutôt sensibles à ce sujet. Mes amies femmes sont plus touchées par ces questions que mes amis hommes qui ont un peu plus de mal avec le féminisme. Ils considèrent qu’on en parle trop, que ce n’est pas important et qu’il y a du sexisme anti hommes aussi.

Tu as dédicacé au Festival d’Angoulême 2018, est ce que l’expérience a été bonne?
Oui c’était sympa. J’avais déjà fait le Festival à plusieurs reprises toute seule, je connaissais un peu l’ambiance. Mais c’est un peu anxiogène car il y a beaucoup de monde et on est vite noyé. Le weekend a été surpeuplé, on ne pouvait bouger ni devant ni derrière le stand.

Quelle est ta perception de la place de la femme dans la bande-dessinée ?
C’est assez dérisoire. Je pense que là encore ça dépend pas mal des gens sur lesquels on tombe. Je suis dans une maison d’édition (Editions Fei, ndlr) qui a été fondée par une femme et tout le monde a un profond respect pour elle.

Est-ce que tu as eu l’impression de voir beaucoup d’autrices pendant le Festival ?
J’ai été assez surprise, dans la bulle des indépendants j’ai trouvé qu’il y en avait pas mal. Cette année beaucoup d’autrices ont été mises en avant et ont eu des prix (4 prix sur 9, ndlr). Certaines commencent à sortir du lot mais je trouve que c’est encore marginal. Le milieu de la bande dessinée reste très masculin, blanc et hétéro, c’est un peu problématique. Il y a encore des progrès à faire, mais comme dans beaucoup de métiers liés à la culture.

Est-ce que tu as de nouveaux projets?
En ce moment j’ai deux projets qui m’intéressent. Le premier serait plus sur du long terme. J’aimerais faire de la série à destination des ados en m’appuyant sur l’univers du manga. Ce que je trouve très intéressant avec ce media c’est que sur une série en 30 tomes de deux cents pages chaque on peut créer un univers absolument démentiel, ce qui est plus difficile à faire en bande dessinée franco-belge. D’un côté la bande-dessinée européenne va plus vite aller à l’essentiel de l’histoire et des personnages et accorder plus d’importance à certains décors, faire des pleines pages, et de l’autre les mangas ont des petits formats en noir et blanc qui imposent des limites et il peut y avoir un schéma très répétitif dans les séries à succès. J’aimerais arriver à faire quelque chose à mi-chemin entre les deux en développant un univers en couleur et dans un format de poche et qui puisse être décliné en grosse série, sans répétitions, ça pourrait être très intéressant. Ça me demandera du temps, c’est un projet très ambitieux.
Le second projet est soumis à l’accord d’une bourse. Ça s’appellerait J’ai testé pour vous et ce serait une sorte de site internet plus ou moins collaboratif. Sur ce site je proposerais des expériences que je mènerais, du test complètement absurde comme J’ai testé pour vous : ne manger que des choses oranges pendant une semaine, à des expériences un peu plus réfléchies ou compliquées comme J’ai testé pour vous rejoindre une secte pendant un mois. Il y a plein de possibilités, chaque projet serait bien défini, et les visiteurs du site voteraient pour le projet qui les intéresse. Ce sont des gros projets qui ne sont possibles que si j’ai un financement.

Visuels © Maïté Verjux

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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