Impressions Photo

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13 June 2013 | PAR Ravenaux-Vanessa

En écho aux problématiques du début du XXe siècle relatives à l’influence de la photographie sur les arts plastiques, poursuivies des décennies plus tard par des mouvements tels le pop art et l’hyperréalisme, voilà que les métiers d’art s’en emparent à leur tour et questionnent la représentation du paysage.
L’exposition rend compte de cette tendance forte qui émerge dans les années 2000.
La référence à la photographie confère un nouveau type d’expression aux arts de la matière (mosaïque, bois, textile et céramique).

Chaque pièce exposée est à l’origine d’une photographie, d’un paysage naturel ou urbanisé, prise par l’artiste ou par un tiers choisi.

L’intervention du numérique lors de la prise de vue et dans le processus de réalisation de certaines œuvres, interroge la relation entre technologie nouvelle et savoir-faire ancien, sonde la notion du temps, entre l’instantanéité de la capture digitale et la production de l’œuvre finale.

Rowena Dring et William Kheloui sont contemporains. Qu’il se soit déroulé en Grande-Bretagne ou en France, leur cursus universitaire « arts plastiques » fut assez similaire. Ce sont les petits-enfants de la crise de la peinture. Face à cela, leur réponse fut de brandir haut et fort un genre obsolète par excellence : le paysage (qui fait de nombreux émules aujourd’hui, notamment en céramique).
Tous deux évoquent volontiers la tradition des peintres voyageurs du XIXe siècle (l’école orientaliste ou les pionniers américains), tout en lui instillant l’irrévérencieux parfum de la bande dessinée, du numérique, des arts décoratifs et de la matière. Les formats et le temps consacrés à chaque pièce sont immenses. Textiles assistés numériquement et mosaïques empêchent tout repentir. Il s’agit là d’un étrange jeu d’allers-retours entre des opposés : photographie, peinture et arts décoratifs.

L’Anglaise Rowena Dring étudie au Chelsea College of Art and Design, Londres (section peinture), puis au Goldsmiths College (Londres) dont elle est sortie diplômée en 1998. Elle est aujourd’hui soutenue par la Claudia Rahn Gallery à Zürich (Suisse) et partage son temps entre Amsterdam et la Bourgogne.
Rowena Dring mélange textile et peinture, beaux-arts et arts décoratifs. Elle commence par photographier des paysages, qu’elle redessine ensuite sur ordinateur. Elle déconstruit les masses, les flux d’ombre et de lumière, établit numériquement un patron doté d’un code couleur précis et, en respect de cette charte, applique concrètement ses fragments de tissus cousus ensemble à la machine pour les plus grands, à la main pour les autres. Les formes sont ensuite découpées numériquement puis cousues à la machine sur la toile- patron. De loin, ses pièces semblent des toiles de peintre. En s’approchant, on finit par comprendre que l’aiguille mécanisée et les fils de coton ont fait office de pinceaux et de pigments. C’est pour elle la manière la plus pertinente et la plus libératrice de redéfinir la peinture et de travailler la question de la représentation du paysage.

William Kheloui, issu de l’École des Beaux-Arts de Nancy et mosaïste depuis 2005, pratique une technique relevant de la plus pure tradition. S’il est très souvent mobilisé par des chantiers de restauration, il développe aussi une création personnelle autour du portrait et du paysage, déclinés – comme en photographie – en noir et blanc ou en couleur. A la capture photographique, succède une longue épure à l’échelle au pastel, à l’huile, au fusain… La mosaïque vient alors épouser au plus près un canevas pictural. Il explore la problématique pictorialiste, déconstruit la lumière, organise soigneusement sa perception et s’attache, comme au pixel près, à rendre une image à la définition infiniment précise. Sa patte : l’usage très contrasté de minuscules morceaux et de vastes plans couleurs. Seule la couleur préside à l’utilisation d’une matière, peu importe qu’elle soit marbre, granit, grès, émail de Briare ou carrelage. La mosaïque répond à son besoin d’ordonner une nature jugée chaotique et potentiellement dangereuse.

Keen Souhlal a un parcours atypique. Après des études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts à Paris (ENSBA), elle s’expatrie au Québec afin de suivre une formation en photographie (Concordia University, Montréal, Canada) pour ensuite explorer plus largement l’image. Elle poursuit aujourd’hui un CAP métiers du bois et marqueterie à l’École Boulle. Trois aspects de son travail actuel sont présentés : une photographie numérique montée sur châssis rasant de 170 x 130 cm intitulée Fûts droits, en regard d’un bois sans titre (2013) de 60 cm de long issu d’un arrachement et dont les éclats livrent la verticalité d’un paysage urbanisé, ainsi que trois interprétations de lames de scie, Silent noise (40 x 40 cm, 2013), procédant d’un placage bois (amarante, merisier et sycomore) sur médium et réalisées dans le cadre de ses études à l’Ecole Boulle.
Comme l’écrit à juste titre Damien Airault, son but est de « ré-enchanter le décor bien trop statique qui nous entoure ». Du côté de l’infra, elle libère un « tremblement, un état d’attente dynamique, un passage doux, un silence, une solubilité » des états et des matières. « Elle charge de conscience et de précaution des détails pris comme tels. »

En nous présentant ses Boites à images, Alexandra Tollet, céramiste, nous incite à revenir aux ancêtres de la photographie, à Daguerre et sa Camera obscura. Alliant porcelaine et papier cousu, scène, silhouettes et premiers plans, l’artiste entreprend d’échelonner dans l’espace des détails issus de photographies argentiques, noir et blanc, de Gildas Lepetit-Castel. Elle étire l’image d’origine en une succession de plans, à la manière d’un livre découpé ou des rideaux successifs d’une scène de théâtre. Gildas Lepetit- Castel conjugue le quotidien, l’agitation humaine, à une forme d’éternité architecturale. L’homme, incarne ce premier plan un peu désuet de la vaste scène de théâtre qu’est la ville.

Depuis un an, Alexandra Tollet éprouve le besoin d’aller à la rencontre d’autres matières, d’autres supports, d’autres artistes. A défaut de s’extraire de son habituelle gamme chromatique, rivée aux noirs et aux blancs, Alexandra s’aventure du côté des chambres à air en latex, du fil noir ciré des cordonniers, du papier granulé. Ce travail très récent résulte d’un dialogue artistique avec l’histoire de la photographie et l’identité d’un photographe.

L’Asso Générale au Point Ephémère
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