Danse
François Chaignaud ou comment manier avec élégance luxure et volupté

François Chaignaud ou comment manier avec élégance luxure et volupté

30 November 2011 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Prenez un festival dans le lieu le plus avant-gardiste de Paris, j’ai nommé “Les [in]accoutumés à la Ménagerie de Verre. Prenez le chorégraphe le plus en vue du moment, le troublant François Chaignaud se lançant dans des chansons naïves. Associez le tout à des vidéos très sexuelles de Cécilia Bengolea vous aurez un “objet chorégraphique contemporain” dérangeant, drôle et juste.

Trois en un, c’est ce qui nous est proposé. Un spectacle vivant, “Sous l’ombrelle (s’avive l’éclat de nos yeux)” de François Chaignaud, Benjamin Duhkan et Jerome Marin, entouré de deux courts métrages englobés sous le titre “translation de la luxure” de Cécilia Bengolea, Juliette Bineau et Donatien Veisman

Première image, un couple dans un ascenseur, la tension monte, ils sont, pour ce qu’on peut voir, torses nus, ils ruissellent bientôt. Nous les retrouvons très vite dans la forêt amazonienne où ils deviennent lianes parmi les lianes dans un jeu érotique aux tendances cannibales.

Sans grande transition, l’ambiance change pour s’opposer au trash. Jerome Marin et François Chaignaud arrivent couverts d’une couverture improbable. Dans la salle de la ménagerie, pour l’occasion repensée à l’envers, une voiture joue des phares et des accélérateurs. Plus tard, un trio, batterie, piano, accordéon s’installe. Dès cet instant, le spectacle met en place une attirance de mondes opposés. La musique va du jazz au rock, les comédiens poussent des textes de chansons des années 20 et 30, le travail de lumière et de fumée, provenant de la voiture, de bougies et de projecteurs bien dirigés donnent une ambiance angoissante. De la légèreté, du rock, du stress. Drôle d’alliage qui fonctionne au-delà des espérances. Le duo est rejoint par Benjamin Dukhan prêtant sa voix grave aux deux artistes incarnant les jeunes filles en fleurs. Les maquillages sont outranciers, les coiffes superbes, les corps peints et vêtus d’une jupette.

On rit souvent et aux éclats face au décalage évident de ces hommes à la féminité exacerbée chantant des textes oubliés aux mélodies légères et aux mots aseptisés. Il n’empêche, fleurette ou pas, le sujet reste la rencontre amoureuse et sexuelle. La force du travail de François Chaignaud est d’être juste. Que ce soit dans ses Danses libres ou ici dans le choix d’une non-danse venue nous immerger dans un monde centenaire, il réhabilite les vieilleries pour susciter le rire puis l’émotion. L’un des derniers morceaux les fait demander ” suis-je belle moi ” ? On a envie de leur répondre oui sans faille. L’ombrelle reprend des codes de spectacles de travestis en mettant à jour une part de souffrance évidente dans le trouble identitaire. Dans ce lieu où il n’est question que de femmes en quête d’amour, elles ne sont présentes que par le symbole d’artifices, de vêtements et de maquillage. Mais seuls des hommes chantent et jouent. Cela pourrait être pathétique, mais en sachant habillement apprivoiser la corde sensible, le spectacle devient saisissant.

En guise de conclusion, nous retrouvons le second court métrage de Cécila Bengolea et Donatien Veisman, cette fois totalement cul. Elle est une geisha désirée par deux hommes impuissants dans une chambre, elle est multi orgasmique, devenant homme au besoin. “La beauté tôt vouée à se défaire” donne à voir une image plus crue que lors du premier film, dérangeant à souhait.

L’alliance des trois propositions vient interroger le désir qui a chaque fois est malmené et compliqué. Il n’y a pas d’amour serein ici. Des hommes rêvent d’être des jeunes filles, des jeunes femmes mangent des sexes d’homme, les hommes ne bandent plus. Sous couvert d’une ombrelle protégeant d’un soleil vif c’est à nos pulsions morbides que François Chaignaud vient nous confronter. Troublant.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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