Cinema
“The tenants downstairs” : l’éclat de vomi de l’Étrange Festival 2016

“The tenants downstairs” : l’éclat de vomi de l’Étrange Festival 2016

17 September 2016 | PAR Geoffrey Nabavian

A la sortie d’un film, il est rare qu’on ait envie de vomir. Pour son premier long, Adam Tsuei, même s’il fait montre d’un talent visuel certain, a pourtant réussi à nous écœurer magistralement, en ne donnant à voir qu’un méchant très, très, très méchant à l’oeuvre. Prétentieux et totalement vain, The tenants downstairs n’a rien pour lui. Zéro.

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The tenant downstairsLa scène finale de The tenants downstairs, film taïwanais présenté dans la Compétition de l’Étrange Festival 2016, suggère une chose : le personnage principal, porc complètement creux qu’on a vu à l’oeuvre durant une heure quarante-cinq, pourrait représenter le réalisateur lui-même. Sa réplique, “je briserai ces barrières”, ou quelque chose d’approchant, s’appliquerait donc au film. On est hélas désolés d’apprendre à Adam Tsuei qu’il n’a transgressé rien du tout avec son premier long-métrage. Que les personnages qu’il a mis en scène sont restés prisonniers, au final, de clichés honteux. Et qu’il filme de façon horriblement complaisante. Oui, on est méchants, et on va prendre notre pied à décrire tout ce qui ne va pas dans The tenants downstairs. C’est bien le moins qu’on doit à Adam Tsuei, après l’avoir regardé être ignoble avec des gens, lui… Des personnes plongées dans un cadre et une esthétique réalistes. Ah ! Qui brandit Old Boy, pour justifier la violence ? Aucun rapport, enfin…

On a aimé pourtant ce générique porteur d’une force esthétique, où l’antihéros du film prend possession d’un vieil immeuble, en montant jusqu’au sommet, où se trouve… un poste d’observation, relié à des caméras disséminées à tous les étages. Suite à l’arrivée de huit locataires, notre homme, avide de voyeurisme, va franchir un cap, et décider d’influer sur la vie des uns et des autres. Pour ce faire, il va, de diverses manières, doter chacun de nouveaux “pouvoirs”. Superbe sujet, en soi, parfaitement adapté à un huis-clos en immeuble. Mais le réalisateur a d’autres projets : il entend “piétiner la morale bourgeoise”… Pour de rire, peut-être. Il va donc s’amuser, mais de façon dégueulasse, en enquillant tous les lieux communs de la torture et de la perversité. Oui, dans The tenants downstairs, on a de la mutilation, du cannibalisme, du viol, des godemichés enfoncés de force… Approchez, messieurs dames, approchez… Du fond, par contre, on n’en a pas.

L’expression “bête et méchant” semble avoir été inventée pour des films comme celui d’Adam Tsuei, qui nous font regretter la série Saw et son aspect ludique. En ne sortant pas de l’immeuble qu’il met en scène, il enferme ses protagonistes dans des comportements stupides, et très clichés, qui font qu’on cesse de croire à leur humanité : une mention au couple homosexuel qui mélange éros et thanatos, au père qui semble ne pas savoir qu’il existe des solutions à ses désirs à l’extérieur, au prof de sport violent… et à l’insupportable propriétaire. Et aussi à son interprète, qui surjoue parfois éhontément. Ce personnage est tracé à très gros traits. Qu’on prenne le film de façon pas sérieuse, il reste nul, car il tourne à vide, ne montrant qu’un gros-méchant-vilain-pas-beau qui fait des trucs de gros-méchant-vilain-pas-beau, sans humanité, et sans enjeu dramatique. Qu’on le prenne de façon sérieuse, il est nul aussi : où est la réflexion sur le voyeurisme, dans toute cette bêtise, et cette provocation vaine ? Avec ces personnages qui ont des réflexes de pantins… Elle ne va pas loin, sa révolte, à notre artiste…

On pourrait aussi pointer la musique classique, à la Stanley Kubrick… On se contentera, pendant tout The tenants downstairs, de penser à Salo, de Pier Paolo Pasolini. A l’Étrange Festival 2016, il nous est venu en tête une seconde devant un film qu’on a porté dans notre coeur, Dark Circus : un modèle de non-complaisance. Les qualités de Salo, sommet de film négatif, font ressortir la nullité de The tenants downstairs, film stupide : chez Pasolini, les scènes donnent aux victimes une chance, et la mise en scène se poste entre réel et monde de fantasmes, de façon brillante et atroce. Ici, les victimes sont tronçonnées sans vergogne par le scénario, et la belle mise en scène, à force de ne rien raconter, s’abîme dans un style… impersonnel. Et oui.

On adule l’Étrange Festival car il programme des œuvres aux partis-pris toujours tranchés. The tenants downstairs est hélas un film qui se repose sur sa forme. On nous permet, à l’issue des projections, de mettre la note de 1 sur 10 : “étrangement nul”. On mettra zéro : “très conformiste et très nul”.

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Visuel : © Amazing Film Studio

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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