Scénaristes : Valence fête 20 ans de fête

Du 29 mars au 1^er avril se tenait à Valence la vingtième édition du Festival international des scénaristes. Après la Ciotat et Bourges, cette manifestation unique en France a choisi depuis quelques années les boulevards ensoleillés de la capitale de la Drôme.

Par Raphaël Laforgue

Pour rassembler les travailleurs de l’ombre du cinéma et de l’audiovisuel, l’association Scénario au Long Cours a planté les tentes d’un chaleureux “Village” en face de la vénérable scène nationale du Lux. “Orientée vers la jeunesse” selon les vœux de sa déléguée générale Isabelle Massot, cette édition anniversaire était l’occasion d’un bilan enthousiaste. Valence a découvert quelques plumes prometteuses, comme celles d’Arthur Harari, Vincent Poymiro et Agnès Feuvre, lauréats de l’Encrier de Cristal pour Diamant noir l’année dernière. Dans un pays où la tradition du cinéma d’auteur a longtemps fait des scénaristes des figures discrètes, le festival s’est surtout affirmé comme un rendez-vous essentiel. D’abord consacré au seul cinéma, il s’est ouvert aux séries et à de nombreux formats émergents. Outre le précieux Marché interactif de l’image et de l’écrit (MIIE), plateforme de mise en réseau entre professionnels de l’audiovisuel, les scénaristes ont pu rencontrer et écouter quelques grands noms comme Jean-Claude Carrière ou Frédéric Krivine, principal auteur d’Un village français.

Une belle compétition “Film” récompensait des oeuvres achevées pour la qualité de leur écriture : elle a couronné Glory et son regard audacieux sur la Bulgarie contemporaine par Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Le coeur du Festival restait toutefois la compétition “Création”, récompensant des projets d’écriture, du long-métrage à la websérie et au terme de workshops intensifs pour les candidats présélectionnés. Au palmarès, on retiendra la Plume de Cristal de Romain Serir pour son scénario de long-métrage La Jeune fille vampire, et celle du jeune Maxime Cormier pour son projet d’animation Outre-tombe – une catégorie où nous avions aussi apprécié Vercors, histoire courte sur un groupe de résistants désoeuvrés à la veille de la Libération. La présidence du jury était confiée au grand Tonino Benacquista, collaborateur d’Audiard, Besson et autres Berri. Lors de sa masterclass, ce célèbre amoureux de récits noirs constatait la spécificité du travail du scénariste, toujours nourri de références et d’une vaste culture du récit filmé.

Le labyrinthe des auteurs

S’il reste difficile de vivre de l’écriture de scénario, les plus jeunes viennent chercher à Valence optimisme et conseils de leurs aînés. Dans chaque catégorie, les candidats à la Plume de Cristal se sont vu accompagner par des “parrains” scénaristes et producteurs pour retravailler leurs projets, mais aussi apprendre à en livrer un pitch percutant devant un public où se cachent toujours quelques producteurs en civils. Parfois auteurs de premiers courts, ces jeunes talents se retrouvent face à une double difficulté. D’un côté, le statut des auteurs reste précaire et mal rémunéré dans une économie de l’audiovisuel restreinte. Cela vaut aussi pour la création émergente de séries, encore dominée par quelques grands commanditaires un peu frileux : “le marché français est tout petit, il y a peu de décideurs”, constatait vendredi Frédéric Krivine. Dans le même temps, acteurs publics et privés présentent un grand nombre de dispositifs d’aide à l’écriture et de résidences, au point que le jeune scénariste ne sait plus où donner de la tête. Ces quatre jours étaient donc l’occasion pour quelques lieux privilégiés de se présenter: Groupe Ouest, Maison du film court, GREC, Moulin d’Andé–Céci…

Désirer et travailler

Plus qu’un prix ou une dotation, de nombreux participants viennent chercher à Valence un cadre stimulant pour nourrir un travail souvent solitaire. C’est ce que nous confie Mathieu Rochet, auteur de Jacques Martien, l’homme le plus dangereux du monde, en lice parmi les quatre projets de long métrage. Cet ancien DJ passé par le webdocumentaire s’était embarqué dans son premier projet de fiction : “A un moment je me suis posé la question de ce que je voulais faire, quitte à me planter. Ça faisait 4 ou 5 ans que je pensais à des histoires, à des petits concepts de films.” Son récit d’enquête rocambolesque a beaucoup plu au public du Lux. Pour Mathieu, “Valence était une super idée”.Pendant un mois, il a vu et revu son projet avec le scénariste Michel Leclerc et Jean-Christophe Reymond, producteur chez Kazak. “C’était génial, comme un workshop portatif”, nous confie-t-il : “C’est très intense. La trame, les personnages, leurs intentions : tout est remis en question, tout le film est secoué, tu dois trouver des réponses très vite. C’est comme si tu boxais avec Mike Tyson et passais un entretien d’embauche en même temps, sauf que ces coups-là font du bien au film. Michel lui-même m’a dit qu’il n’avait pas eu la chance d’être accompagné comme ça quand il a commencé.“ Au-delà de la compétition officielle, le festival s’efforce de donner leur chance à tous ceux qu’anime le désir d’écrire. 14 jeunes auteurs ont participé à un “Marathon d’écriture” de 48 heures. Le même exercice était d’ailleurs proposé à 6 compositeurs: dans son effort d’exhaustivité et au risque de compliquer une programmation déjà touffue, Valence réserve en effet une place à la musique, ligne réaffirmée cette année avec la participation active de la SACEM et l’invitation d’Alexandre Desplat à la cérémonie d’ouverture. Pour les auteurs les moins confirmés, des modules étaient proposés en marge des grandes manifestations : il faut surtout cultiver la motivation et la confiance en soi. Emmanuelle Bercot, présidente du jury Films, confiait à ce propos au blog du festival que si écrire peut être décourageant, “il faut croire infiniment en ce qu’on fait car personne n’y croira à votre place…” A Valence au moins, on y croit un peu.

Visuel : Service de Presse Festival