Cinema
[Rencontre] Tobias Lindholm, le réalisateur danois du film « Hijacking »

[Rencontre] Tobias Lindholm, le réalisateur danois du film « Hijacking »

12 July 2013 | PAR Hugo Saadi

interview tobias lindholm hijacking

 

À l’occasion de la sortie du film « Hijacking » (le 10 juillet 2013 au cinéma), Toutelaculture.com a rencontré Tobias Lindholm, le réalisateur danois. L’avis positif du film est en ligne sur le site.

Le sujet de la piraterie est peu traité au cinéma, comment vous en est venue l’idée ?

Le sujet de « Hijacking » était très présent dans les médias danois car en 2007 et 2008 ont eu lieu les premiers détournements de bateaux danois par des pirates. Puis vu que mon père était un marin, j’étais à la recherche d’une histoire à raconter, une histoire qui se passerait sur un bateau où je pouvais mettre en situation 10 hommes et posséder alors le décor parfait pour un film dramatique. Les premières idées qui me sont venues mettaient en scène les otages sur le bateau, mais finalement la situation n’était pas très dramatique. À chaque fois que j’essayais de faire quelque chose cela devenait comme un film d’horreur, ça ne m’intéressait pas, j’avais envie de rajouter des éléments de pression. Un jour, j’ai reçu un appel d’un homme qui ne voulait pas me dire son nom, mais qui apparemment en connaissait beaucoup sur le sujet. Il souhaitait me rencontrer et l’on s’est vu, il s’agit de Gary Porter qui joue Connor Julian dans le film. C’est un vrai négociateur d’otages, il a été dans ces situations de nombreuses fois il pouvait donc penser à des détails que j’ignorais et qui m’ont aidé pour l’histoire. Il était une vraie source d’informations, notamment à propos de ce qui se passait dans la salle de négociation pour que je puisse ainsi conserver le rythme du « poker of life & death ». Il m’a ensuite présenté à de nombreuses personnes qui ont été confrontées à cela. J’ai alors rencontré des PDG qui ont subi des actes de pirateries afin de mieux pouvoir cerner la partie psychologique.

Pourquoi avoir choisi de se focaliser sur deux personnages : Mikkel le cuisinier et Peter le PDG ?

Il s’agit de deux otages à deux endroits différents sur la terre, et un de mes films préférés étant « Heat » de Michael Mann, je pouvais raconter mon histoire à deux personnages. J’avais déjà travaillé avec Pilou [qui joue le cuisinier Mikkel] sur mon premier film et je savais qu’il avait le bon âge et tout ce qu’il faut pour jouer un marin. Quand on a décidé de filmer la salle des négociations, j’avais comme idée que le responsable de l’entreprise serait le méchant car il ne voulait pas payer. Et dans mes recherches j’ai réalisé que ce n’était pas comme ça, il voulait payer mais il avait la responsabilité vis à vis des marins de ne pas se faire pirater à nouveau, et s’il payait tout de suite, comme il est dit dans le film, les pirates pourraient lui dire que c’était juste un premier paiement. Ce jeu de poker m’a soudainement intéressé car on pouvait raconter l’histoire en passant d’un univers à un autre.

Pourquoi est-il important pour vous de tourner dans des conditions réelles avec des comédiens amateurs comme s’il s’agissait presque d’un documentaire ?

Ce sont des acteurs amateurs mais il jouent leurs vraies professions. Dans cette situation je n’ai pas besoin de les diriger, ils apportent du réalisme. Je contrôle le processus, mais il ne me semble pas que je fasse du documentaire. Je respecte les réalisateurs de documentaires, je pense que c’est la meilleure façon de raconter des histoires, mais ce que l’on essaie de faire c’est d’intégrer le plus d’éléments de la réalité. Par exemple, on a fait en sorte que les armes portées par les pirates soient de vraies armes, des armes empruntées à la police de Mombasa au Kenya qui les avaient perquisitionnées à de réels pirates. Le bateau sur lequel on a tourné a lui aussi subi un détournement deux ans auparavant. Rien que le fait de savoir cela apporte du réalisme lorsque l’on tourne les scènes. Quant aux acteurs qui jouent les membres de l’équipage, ils ont déjà subi une prise d’otages, ils savent comment ça se passe, ils pouvaient donner des détails sur la vie des otages. Je crois que la réalité raconte toujours une histoire plus vraie que la fiction, nous voulions véritablement mettre le spectateur à la place des différents personnages, et qu’il comprenne la situation par lui-même.

Le film contient peu de scènes d’action, est-ce pour des raisons économiques ou un choix de votre part ?

Le piratage en lui-même ne m’intéressait pas alors quand j’ai écrit le script, je n’avais pas pensé à une séquence d’action. J’ai plutôt essayé de me mettre à la place de Soren [Peter, le PDG] pour deux raisons. Si je voulais en faire un personnage principal je devais vivre la situation avec lui. Si les spectateurs en avaient su plus que lui dès le départ, ils l’auraient regardé comme un simple spectateur au lieu d’un personnage principal. La situation pour Peter au moment de la prise d’otages, c’était une simple réunion. Puis un homme vient le voir pour l’avertir. Ce que je souhaitais voir apparaître à l’écran c’était ce changement dans le personnage de Perter : en l’espace de quelques secondes vous n’êtes plus un homme d’affaires, mais un homme qui doit jouer une partie de poker sur la vie et la mort de ses employés pris en otages. Pour moi, ce changement était la chose la plus excitante à faire avec Soren, plutôt que de filmer des scènes d’actions avec des bateaux de chaque côté, cela ne m’intéressait pas, je préférais être avec les personnages dans ce genre de situation.

Les deux personnages principaux, Pilou Absaek (le cuisinier) et Soren Malling (le PDG) apparaissent tout deux comme des otages. Est-ce que les deux acteurs se sont concertés avant de tourner ?

Avant de valider la version finale, j’ai demandé à toute l’équipe du film de se rassembler et je leur ai dis « Parlez maintenant, ou taisez vous à jamais ». Après ça, j’ai changé le scénario et ils n’ont jamais eu de scénario complet. Soren n’a eu que les scènes qui se passaient au Danemark et Pilou celles sur le bateau. Donc ils ne savaient pas exactement ce qui se passait et on a alors pu jouer les appels téléphoniques en direct. Je pensais que pour faire un film avec des appels vraiment vivants et importants, il fallait les rendre vraiment exceptionnels, alors nous les avons faits en direct. Quand j’étais sur le bateau, je demandais à Pilou d’appeler Soren au Danemark, et comme il n’était pas au courant il pouvait être en train de faire du café en pyjama par exemple, et soudain son téléphone sonnait et c’était Pilou. Tous les parasites, l’écho, les petits bruits dans le téléphone étaient vrais. On peut ressentir tous ça chez les acteurs, car ils n’avaient pas besoin de jouer l’étonnement, ils étaient vraiment surpris. Ils ne savaient pas quelle scène exactement ils étaient en train de tourner. Soren connaissait les dialogues, mais il ne savait pas si ce serait le premier, le deuxième ou le dernier appel, alors quand Pilou l’appelait il devait deviner quelle scène c’était durant l’appel, de cette façon ils ont du improviser très souvent ce qui a rendu le film très réel.

Comment avez vous recréé les conditions de la captivité ?

Pilou est vraiment courageux, quand il joue un rôle, il le joue à fond. Il a donc été d’accord pour prendre 20 kilos pour le rôle, car selon moi on ne pouvait croire à l’écran qu’à un cuisinier gros car ils aiment manger. Alors il a tout de suite commencé à manger beaucoup et sa femme m’a détesté pour ça car elle avait épousé une star de cinéma et elle se retrouve avec un obèse [rires …]. Il mangeait deux pizzas chaque matin et buvait 5 litres de lait au chocolat, il a gagné 20 kilos en un rien de temps. Et une fois en Afrique, il a arrêté de manger. Il n’avait que quelques grammes de poulet par jour et un peu d’eau. Il a donc perdu tout son poids durant le tournage du film. Pour les scènes de captivité, nous enfermions les acteurs pendant 3 à 4 heures avant que l’on commence à tourner et ils ne savaient vraiment jamais quand est ce que l’on allait commencer. Quand ils étaient enfermés dans la cabine, je déposais un pot de confiture avec plein de mouches, je coupais le ventilateur, il faisait très chaud dedans et je ne les autorisais pas à utiliser les toilettes. Ils n’ont donc pas eu à jouer à proprement parler qu’ils avaient chaud, qu’ils voulaient sortir de là, c’était déjà le cas. Ils pouvaient donc dépenser leur énergie sur le reste de l’équipe.

Quelles ont été les conditions de tournage sur le bateau ?

C’était terrible, probablement la pire décision que j’ai jamais prise. On pensait que les conditions climatiques seraient bonnes mais elle ne le furent pas. Les vagues étaient tellement hautes que le bateau tanguait vraiment. La plupart des acteurs n’avaient jamais été sur un bateau alors la plupart ont eu le mal de mer (…). C’était un petit bateau et il fallait tourner pour respecter les délais, alors les premiers jours c’était l’enfer. C’était difficile mais le bateau était préparé pour le tournage. On pouvait filmer partout et cela a rendu les choses plus faciles. On n’était pas obligé de bouger la caméra et tout le matériel, on pouvait continuer de tourner partout. On tournait sur l’Océan Indien et il y avait des vrais pirates alors tout le monde avait un peu peur. On avait nos propres gardes et parfois ils avaient l’air inquiets mais moi j’essayais de ne pas y penser. On a tous relevé le défi de rester sur le bateau et de ne plus vivre autre chose pendant le tournage. Je ne pouvais pas m’imaginer rentrer chez moi le soir avec mon écran plat, mes trois enfants et un bon repas pour revenir le lendemain et tenter de recréer l’enfer. C’était logique de rester en enfer.

affiche hijacking tobias lindholm

 

https://www.youtube.com/watch?v=1eJAPpGGkh8

 

visuels (c) : affiche et images issues du film, AD Vitam

visuels (c) : Hugo Saadi

Des jolis pieds tout l’été…
Decès de l’accordéoniste virtuose, André Verchuren
Avatar photo
Hugo Saadi

One thought on “[Rencontre] Tobias Lindholm, le réalisateur danois du film « Hijacking »”

Commentaire(s)

  • boutaina

    Moi aussi je cherche un homme gentil pour un amitié ou un mariage sérieux

    February 25, 2016 at 18 h 49 min

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration