Cinema

L’œuf du serpent : Bergman entre paillettes hollywoodienne et brume idéologique

02 October 2009 | PAR Audrey Saoli

L’œuf du serpent est un Bergman surprenant. Ce film raconte l’histoire de la semaine du 3 au 11 novembre 1923. Dans l’inflation grandissante de Berlin, Abel Rosenberg, juif, découvre le corps de son frère suicidé d’une balle dans la bouche. Il se réfugie donc auprès de l’ancienne femme de son frère, qui joue dans un cabaret. Ensemble, ils vont se détruire dans la peur et la paranoïa en découvrant d’étranges expériences dans un hôpital.

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On connait d’avantage le réalisateur qui vient du théâtre pour ses films à petits budgets accompagnés de petites équipes. Celui ci a appris la réalisation à travers la précision et la dureté des planches. Mais pour l’œuf du serpent toutes nos habitudes semblent être mises à mal. En effet l’acteur principal de ce film est David Carradine, acteur qui a fait sa carrière sur les grosses productions, et l’équipe est aussi imposante que ne le sont les décors. Les autres films de Bergman avait une distribution minimaliste, avec à peine dix comédiens pour se donner la réplique. La plupart des scènes se passaient dans des intérieurs avec des gros plans  sur des visages et des intimités de comédiens. C’est le style qui a fait la légende de Bergman.

Mais ce film que l’on redécouvre dans sa réédition ne ressemble en rien à cette définition que l’on donnerai du réalisateur suédois.

Le film a eu beaucoup d’argent, les producteurs qui l’ont financé lui ont d’ailleurs imposé son acteur principal. Cet argent peut être considéré comme une aubaine pour un artiste qui a d’avantage l’habitude de faire avec les moyens du bord. Il a pu ainsi créer une Berlin extraordinairement ressemblante à la veille de la seconde guerre mondiale. Il se dégage de ce décor une mélancolie et une noirceur qui semble tout droit sortie d’un roman de Kafka. Mais malgré ces décors magnifiques, il y a quelque chose qui nous manque. On sent que Bergman, le réalisateur que l’on connait pour son génie de l’intimité, n’est pas à l’aise face à cette étalage de paysages extraordinaires. On déplore qu’il filme d’avantage les rues de Berlin que la noirceur des personnages. On perd un peu de l’essence de Bergman. Il y a malgré tout quelque tentatives de Bergman pour rester fidèle à son art. En effet l’univers très théâtral qu’il crée autour du cabaret où les personnages sont très maquillés s’oppose à la noirceur de l’extérieur. Cet univers est cohérent avec ce qui fait le succès du réalisateur mais il n’empêche qu’on le sent un peu perdu dans un univers trop grand pour lui.

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De plus quelque chose met mal à l’aise pendant toute la durée du film: le sujet qu’il a décidé de traiter. Bergman s’est engagé dans le nazisme pendant la deuxième guerre mondiale,sa famille germanophile est attirée par l’idéologie nazie et son frère à même participé à la création du partie national socialiste suédois. Les expériences qu’il fait mener à ces scientifiques à la veille de la seconde guerre mondiale semblent le fasciner. Ces hommes mettent des personnes en situation et les regardent évoluer vers l’atrocité. Ces scènes sont d’autant plus dérangeantes quand l’on connaît la façon dont Bergman faisait travailler ses comédiens, elle est semblable. Celui-ci voulait que le personnage parte de l’homme qui le jouait, il mettait donc ses comédiens dans des conditions et les filmait ensuite. De plus cette comparaison est accentuée par le fait que l’on découvre ces expériences grâce au film que fait le médecin fou pendant qu’il pousse à bout ses cobayes. Les expériences sont donc filmées une fois par le médecin fou et une autre fois par Bergman…

L’œuf du serpent: Année de production 1977, réalisé par Bergman, avec Liv Ulmann et  David Carradine, distribué chez Carlotta Film, 19 euros 99.




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