Cinema
L’héroïne Disney : du balai à l’indépendance

L’héroïne Disney : du balai à l’indépendance

07 March 2015 | PAR Elodie Martinez

Si Minnie, la célèbre souris concubine ou épouse de Mickey est maintenant figée dans sa robe rouge à pois blancs, son nœud assorti et ses chaussures à talons jaunes, Disney est toujours resté ouvert à l’évolution du monde qui l’entoure. Loin de simplement faire évoluer ses techniques, l’entreprise sait se moquer de ses propres stéréotypes qui, après quelques décennies, sont inévitablement dépassés. Le concept du Prince Charmant se fait donc violenter depuis quelque temps et l’on voit la femme se transformer chez Disney : si à ses débuts Blanche-Neige chantonne gaiement en faisant le ménage et a pour hymne « Un jour mon prince viendra », à l’arrivée Elsa, la reine des neiges, bâtit son propre château toute seule, n’attend absolument aucun prince et s’en trouve « Libérée, délivrée » !


Depuis la création de la marque Disney, toutes les générations se sont retrouvées bercées par ses personnages devenus cultes et même familiaux. Peut-on imaginer aujourd’hui un monde sans Mickey et Minnie ? Quelle petite (ou grande) fille ne s’est jamais projetée dans une des princesses Disney évoluant au fil des époques pour renvoyer un certain reflet de la société ?

En 1937, la princesse par excellence, Blanche-Neige, est une femme maquillée, apprêtée (mais sans excès), chantant en faisant le ménage et la vaisselle, douce et fragile, ne pouvant survivre à l’histoire que par la présence du Prince Charmant, le grand sauveur dont le rôle ne se limite finalement qu’à la voir au début du film et à l’embrasser à la fin. Que les 7 nains aient vaincu la méchante reine/sorcière et qu’ils aient accepté d’aider l’héroïne semblent ne pas suffire à l’époque pour être LE héros. Cendrillon, en 1950, ne change pas énormément ce portrait de la femme, si ce n’est que les tâches ménagères se confondent avec son statut de servante de la famille. Un an plus tard, Alice apprend aux petites filles qu’il faut obéir à leur maman et bien apprendre leur leçon. Pour la première fois, la princesse Disney commence à lire et on lui ouvre les portes de la culture.

En 1959, retour en arrière avec Aurore dans La Belle au bois dormant qui rappelle la condition de Blanche-Neige : endormie, la femme ne peut vivre que par le baiser du prince charmant…. Notons que ce dernier mérite toutefois plus cette appellation que dans le premier long-métrage : après avoir combattu la méchante sorcière transformée en dragon, on comprend qu’il obtienne le titre de héros. Ainsi, l’homme doit ici mériter le titre de prince charmant qui n’est pas acquis par nature.

Enfin arrive 1989 et La petite sirène avec Ariel, une jeune femme rousse en pleine crise d’adolescence, en désaccord avec son père pourtant sage. La princesse Disney a enfin un caractère bien « trempé » et le prince Eric est plus décontracté. Une inversion s’opère même : la princesse sauve le prince lors d’une tempête, même si c’est ce dernier qui empale la méchante avec une épave de navire lors du combat final.

1991 marque un tournant chez Disney avec La Belle et la Bête, nominé aux Oscars pour le « Meilleur film ». Ici, Belle est une intellectuelle et une paysanne qui n’a aucune lignée royale cachée. La transformation de la princesse est donc bien opérée : plus de balai mais des livres, et le titre de princesse n’est pas acquis mais bien mérité. La figure du prince charmant est parallèlement elle aussi bien retravaillée : certes, pas de dragon ou de sorcière à combattre pour accéder au rang de « prince », mais l’amour de l’héroïne n’est pas acquis et il doit apprendre à être « charmant ». Belle marque donc un grand tournant des princesses Disney : après elle, toutes auront un véritable caractère, ce qui avait pris naissance avec Ariel.

Aladin est quant à lui le premier Disney dont le titre ne fait pas référence à l’héroïne mais au héros. Pourtant, une princesse reste bien présente : Jasmine, une sorte d’anti-princesse puisque contrairement à ses « prédécesseurs » elle refuse tout mariage et souhaite conserver sa liberté de jeune fille célibataire pour vivre hors du palais et « voir du pays ». Bien sûr, tout le monde sait qu’elle finira quand même la bague au doigt !

Pocahontas chamboulera les fins heureuses de Disney en laissant partir l’homme qu’elle aime, mortellement blessé, sans aucune promesse de mariage. Une princesse Disney qui termine le film célibataire, voilà une première en 1995 ! Prenant les rênes de l’histoire, c’est même elle qui choisit cette fin (par amour, bien sûr, nous restons tout de même chez Disney).

En 1997 entre une héroïne très particulière dans le dessin animé Hercule, celle de Megara, qui se fait appeler Meg. Ici, la femme devient plus complexe, commençant du mauvais côté en aidant le méchant de l’histoire avant de se sacrifier pour le héros. L’histoire finit bien, même si pour cela Hercule décide de refuser son statut de dieu de l’Olympe pour rester sur terre aux côtés de Meg (qui l’empêche donc de grimper dans l’échelle socialo-divine).

La force de caractère de l’héroïne Disney se poursuit avec Mulan en 1998. Cette fois, la jeune fille est un garçon manqué partant à la guerre contre les ordres de son père (et accessoirement contre les lois). C’est elle qui sauve l’Empire et n’a besoin d’aucun prince pour survivre, bien au contraire puisque c’est elle qui permet à son (beau) général de survivre à une avalanche. On est loin d’Aurore qui risque de se piquer le doigt !

Arrive le nouveau millénaire : 2009 est l’entrée de la première princesse Disney noire (avec La Princesse et la grenouille) mais aussi et surtout la première dont le rêve est d’avoir son propre restaurant et donc sa propre entreprise. De plus, tout le monde se souvient qu’ici, le baiser de la princesse-qui-n’en-est-pas-une ne va pas transformer la grenouille en prince mais condamner la jeune femme à devenir elle-même batracienne. Il s’agit aussi du premier Disney dans lequel un des héros meure. Heureusement, on finit tout de même avec un mariage, mais avec Tiana aux commandes de son restaurant. Son rêve de chef d’entreprise s’est bel et bien concrétisé !

L’année suivante, Raiponce remanie le mythe de la princesse prisonnière en haut d’une tour, loin d’être passive et pour qui la poêle sert d’arme et non d’outil de cuisine. Elle part dans une quête personnelle pour savoir qui elle est et cherche avant tout la liberté. Rebelle reprendra cette thématique de l’adolescente voulant avant tout pouvoir être elle au naturel, librement. Elle ira plus loin dans le maniement des armes, puisqu’elle est la meilleure au tir à l’arc (bien meilleure que les garçons) et refuse catégoriquement toute idée de mariage. Nous n’avons d’ailleurs pas d’histoire d’amour ici, ou du moins un amour différent : celui entre mère et fille. Ca-y-est : la princesse Disney peut vivre sans prince charmant en 2012 !

L’apothéose de cette métamorphose est bien entendu Elsa, dans La reine des neiges, qui n’a ni prétendant ni envie de prétendant. La question du mariage ne se pose même pas pour ce personnage. Quant à sa sœur, elle reprend les codes des premiers Disney : coup de foudre lors d’un bal, chanson en cœur, un beau et jeune prince,… Jusqu’à ce qu’on soulève un point qui ne dérangeait jusqu’alors pas dans les Disney : on n’épouse pas un homme que l’on vient à peine de rencontrer ! Le prince charmant s’avère finalement être le méchant de l’histoire et le si fameux baiser n’a absolument aucun pouvoir. Les codes sont ici totalement remaniés, Elsa étant probablement la princesse la plus complexe : froide par amour pour sa sœur, elle s’en éloigne pour la protéger, victime de sa peur d’elle-même et vue comme le monstre à abattre par l’ensemble du royaume. Il lui faudra s’accepter telle qu’elle est et c’est seule qu’elle atteint ce que les autres héroïnes Disney cherchaient de plus en plus : la liberté. Dans cette histoire, les hommes ne sont finalement d’aucune grande utilité et c’est par une femme (sa sœur) qu’Anna sera sauvée de la mort.

 

Au fil des décennies, la femme Disney a donc progressivement posé son balai, laissé la vaisselle de côté, ne chante plus l’attente d’un prince sauveur mais une liberté trouvée. Elle est aujourd’hui autonome, délivrée du prince charmant et d’une quête d’un amour passif. Intéressant aussi de constater que depuis Rebelle, les princesses Disney grandissent sous nos yeux en apparaissant tout d’abord comme des enfants, ayant ainsi leur propre existence.

 

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Elodie Martinez
Après une Licence de Lettres Classiques et un Master en Lettres Modernes, Elodie découvre presque par hasard l'univers lyrique et a la chance d'intégrer en tant que figurante la production du Messie à l'Opéra de Lyon en décembre 2012. Elle débute également une thèse (qu'elle compte bien finir) sur Médée dans les arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis, en parallèle d'un stage dans l'édition à Paris, elle découvre l'univers de la rédaction web et intègre l'équipe de Toute la culture où elle participe principalement aux pages d'opéra, de musique classique et de théâtre. Elle a aussi chroniqué un petit nombre de livres et poursuit l'aventure une fois rentrée sur Lyon. Malheureusement, son parcours professionnel la force à se restreindre et à abandonner les pages de théâtre. Aujourd'hui, elle est chargée de projets junior pour un site concurrent axé sur l'opéra, mais elle reste attachée à Toute la culture et continue d'être en charge de l'agenda classique ainsi que de contribuer, à moindre échelle, à la rédaction des chroniques d'opéra.

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