Cinema
[L’Étrange Festival] “Les Bonnes Manières”, belle histoire fantastique brésilienne qui n’en fait pas trop

[L’Étrange Festival] “Les Bonnes Manières”, belle histoire fantastique brésilienne qui n’en fait pas trop

13 September 2017 | PAR Geoffrey Nabavian

Avec le concours de magnifiques interprètes, associés à un mélange des tons qui laisse admiratif, ce film brésilien, habité par du fantastique autant que par des éléments sociaux, propose un vrai voyage. Un objet bien étrange, et bien stimulant. A revoir le vendredi 15 septembre à 16h45 à L’Étrange Festival 2017, 23e édition de l’événement, toujours aussi splendide.

[rating=4]

São Paulo, ses quartiers riches, et plus pauvres, ses immeubles ultra récents, ses vieilles très religieuses… Et son climat magique. Et ses femmes seules. Habité par plusieurs dimensions, Les Bonnes Manières voyage dans des problématiques autant humaines que sociales. D’emblée, on est pris, on reste tendu : dans un appartement plutôt bourgeois, un face-à-face s’installe entre Clara (Isabel Zuaa, suprêmement juste), jeune femme nécessiteuse embauchée comme future nounou, et bonne à tout faire, et Ana (Marjorie Estiano, engagée de façon impressionnante), sa nouvelle patronne. Ana, fantasque, adepte de la danse, et brouillée avec tout le monde. Ana, qui se prépare à devenir mère célibataire. Ana, qui se lève la nuit, et adopte un comportement étrange… Dans cet espace de jeu quasi clôt, aux couleurs incroyables, dans cette situation sans beaucoup de scènes d’extérieur, on guette, à chaque coin de plan, les grands tourments à venir. Ils seront très curieux… Alors qu’une relation forte s’installera entre les deux héroïnes, l’inattendu se produira…

Grand mystère, forme géniale, ultra précise – à la différence de celle de The last family, vu la veille – et fond à l’avenant, tissé de thématiques intéressantes – le statut des femmes seules dans cette ville décrite avec précision, ou les inégalités de statut social – font des Bonnes Manières un excellent film… à suspense, dans un premier temps. Une production remplie de tension, avec un bel atout : la mesure. Pas d’effusions, juste de la… justesse, en fait. Un terrain pas trop chargé en effets soulignés se dessine. La suite n’en est que plus frappante… Le récit prend le chemin de la chronique fantastique, et s’il se perd dans quelques longueurs, et quelques scènes déjà-vues, aboutissant à deux heures onze un peu à rallonge, il n’en reste pas moins suspendu sur un fil brillant, entre réalisme et monde magique. L’immense talent du tout jeune interprète Miguel Lobo est ici à saluer, de même que la mise en scène, qui se permet d’être dérangeante, pour toucher à de la vérité. Difficile de donner des exemples sans tout dévoiler… Soutenu, en tout cas, par un beau travail sur le son, des références pas envahissantes – qui aboutissent à une scène de naissance étonnante d’humanité – une réalisation à hauteur d’humains, qui s’offre même une belle séquence peinte, et des personnages justes – tels cette vieille qui, comme dans tout film fantastique actuel, cherche à « faire venir le prêtre », mais intelligemment cette fois – cette production très inattendue fait passer un moment profond et stimulant. Et sa foule de thèmes donne à cogiter : le titre, ainsi, pourrait renvoyer, on se dit, à la conduite que la société décrite enjoint aux femmes seules, et à leurs enfants, d’adopter. Mais aussi à l’amour en général…

L’Etrange Festival 2017, qui se tient au Forum des images à Paris jusqu’au 17 septembre, Les Bonnes Manières, film réalisé par le duo qui signa Trabalhar cansa (2012), repasse le vendredi 15 septembre à 16h45.

Les Bonnes Manières, un film de Marco Dutra et Juliana Rojas. Avec Isabel Zuaa, Marjorie Estiano, Miguel Lobo. Interdit aux moins de 12 ans. Durée : 2h11.

Visuels : © Globo Filmes / Dezenove Som e Imagem / Urban Factory

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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