Cinema

Le jour et la nuit de Magritte : Ceci n’est pas un DVD

18 June 2009 | PAR marie

Que ceux qui n’aurait pu se rendre à Bruxelles pour l’inauguration du musée Magritte se consolent. Par un DVD, Arte soulève le chapeau boule d’un petit bourgeois bruxellois sans histoire qui peignait des toiles comme d’autres créent des concepts. Maigre -mais belle- consolation.

« Chaque chose visible cache autre chose de visible » disait Magritte : l’œuf une poule, la femme une lionne, le mur un paysage, et la nuit le jour, ou comme semble le souligner L’Empire des Lumières (1954), le contraire :

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En sortant de cette maison noyée dans l’obscurité, le documentariste Henri de Guerlache tente de faire la lumière sur son propriétaire, un fils de représentant en commerce né à Lessines (Wallonie) le 2 novembre 1898 et qui devint le premier peintre belge à être exposé de son vivant au MOMA de NYC : en cette année 1965 la grande Pomme rendait en effet hommage à un homme qui lui créait des compagnes enserrées dans de petites pièces d’intérieurs rangés, les maisons bourgeoises dans lesquelles le créateur a longtemps vécu.

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La chambre d’écoute, 1958

Quand les surréalistes étaient, dans les années 20, aux côtés de Breton dans des ateliers parisiens pour y échanger amantes et amants, Magritte jouait la Distance (revue surréaliste belge) en travaillant auprès de sa femme, Georgette, dans une maison banlieusarde du Perreux sur Marne. De toute façon, lui n’était pas artiste, du moins le disait-il. En bon bourgeois, il tâchait simplement, par ses tableaux et ses affiches publicitaires, d’éviter de mettre sa femme et muse (Georgette, toujours elle) au travail. En vain parfois.


Lui n’était pas artiste (mais puisqu’une pipe n’était plus une pipe…), mais jouait dans ses tableaux, inspiré par de Chirico, ou dans la vie, en compagnie de ses amis, le jeu du surréalisme. Revenu en Belgique, il en devint le chef de file national, titre pompeux et académique qui pourrait être remplacé par « leader d’une bande de joyeux lurons qui aimaient à se grimacer devant leurs objectifs  et travaillaient à trouver les titres aux œuvres du peintre ». Si les pommes géantes masquées sont devenues Le prêtre marié, ce fut grâce à eux  :

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© Artists Rights Society (ARS), New York

Car Magritte n’était pas un artiste vivant dans sa tour de verre ; il aimait, Epicurien qu’il était, jouir des siens dans son jardin. Toutefois,  ainsi que le démontre Henri de Gerlache, ce jour, cette lumière, n’occulte pas l’homme solitaire égaré dans ses toiles, un pantin vivant dans un univers dénudé fait de fantômes (celui de sa mère, morte suicidée lorsqu’il avait 12 ans), de bonshommes volants et de femmes éthérées.


magritte

Magritte est bien le jour et la nuit, le solitaire avec ou contre tous. En 1948, de sa contrée natale, il tente par une vingtaine de toiles de faire la nique, à une vache qui, pour des questions financières ou hautaines, n’avait pas voulu l’accueillir en son sein : Paris. Magritte le lui rend par une période “vache” à laquelle la ville lumière, fidèle à son caractère, n’a à-peine jeté un coup d’œil.

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René Magritte (1898-1967), La famine, 1948

Qu’importe aujourd’hui puisque les toiles très colorées de la galerie du Faubourg ont été rendues à Bruxelles (elles y sont actuellement) et que la consécration viendra des States, en grande partie grâce au galeriste et ami de Magritte, Iolas. En 1967, le petit bourgeois décède  d’un cancer du pancréas léguant plus de 1000 toiles, autant de « pensées-images » qui “[servent] [selon ses propres termes] à évoquer le mystère du monde”. Ceci n’est pas [qu’]un artiste, c’est un « penseur », le mot revient sans cesse dans le film…

Merci à Henri de Gerlache qui, par ailleurs et pour le coup se met un peu trop, dans ce travail, à la lumière du jour.


Magritte, le jour et la nuit, un film de Henri De Guerlache., En complément : René Magritte, portefolio de 64 œuvres exposées au Musée Magritte, René Magritte à propos de sa peinture, extrait de l’émission “De l’autre côté du miroir”, 1967, DVD Arte, collection « Monographie d’artiste », 20 euros en français, anglais, allemand et néerlandais, 73 min. Dans les bacs le 24 juin

Marie Barral

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