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[Cannes 2016, Compétition] Jarmusch traîne son « Paterson » en langueurs poétiques

[Cannes 2016, Compétition] Jarmusch traîne son « Paterson » en langueurs poétiques

16 May 2016 | PAR Yaël Hirsch

Styliste patenté, Jim Jarmusch investit une petite ville de New Jersey pour y filmer la semaine d’un chauffeur de bus poète. Il a aussi la bonne idée de donner le rôle principal à l’excellent Adam Driver. Et pourtant le joli écrin reste vide et la poésie sans histoire du quotidien jarmuschien peine a retenir l’attention du festivalier… Déception !
[rating=3]

Paterson (Driver) vit à Paterson, New Jersey, ville de naissance de nombreux poètes comme William Carlos Williams ou Allan Ginsberg. Très amoureux de sa compagne (Golshifteh Farahani), sa vie est rythmée comme du papier millimétré : réveil silencieux à 6h30, journée de bus, pause au parc avec un déjeuner préparé par sa belle et son carnet secret où il écrit des poèmes, dîner en couple et sortie nocturne solitaire avec leur chien où il boit une bière dans le bar local. L’action se répète 7 fois, avec très peu de variations. Mais le 7 e jour, même Dieu s’est reposé et la poésie est remise en question pour mieux être sauvée…

Porté avec superbe par Adam Driver, un peu épicé par des personnages secondaires esthétiques et très joliment cadré dans sa répétition du « pas d’histoire », ce Paterson redondant irrite par son manque de propos et de fougue. Dans The limits of control, la répétition répercutait une colère. Dans Only lovers left alive, la langueur portait avec elle l’urgence de la fin d’une civilisation. Dans ce Paterson, il y a un message un peu minimaliste sur la simplicité de la vie, dans une sorte de résignation terne qui fait un peu de peine. Les petits poèmes réalistes et naïfs du héros ont un côté enfantin, de même que l’impression direct de leur vers à l’écran. N’y avait-il pas de manière plus ambitieuse de parler de poésie au cinéma ? Les personnages, eux, ne sortent pas de leurs rôles assez fixes, les deux héros étant pauvres mais hipsters (quinoa et guitare, lui refuse le smartphone), la femme étant faussement excentrique (elle aime les impressions et cuisine des cupcakes mais attend surtout sagement son mari à la maison, lui demandant des sous pour s’acheter ses lubies) et lui, plus neurasthénique que vraiment sage. Les petits remarques drôles sur Iggy Pop (Jarmusch présente aussi à cannes sont documentaire sur l’iguane) et les mimiques du chien ne suffisent pas : Très joli objet mais très creux, Paterson laisse le goût mal assorti de la tarte du filme : cheddar/choux de Bruxelles, c’est une rencontre ratée.

Paterson, de Jim Jarmusch, avec Adam Driver, Golshifteh Farahani, USA, 115 min, 2016. En compétition. Distribution Française : Le Pacte.

visuels : photo officielle

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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