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Interview de Vincent Macaigne, pour la sortie de Ce qu’il restera de nous

Interview de Vincent Macaigne, pour la sortie de Ce qu’il restera de nous

06 March 2012 | PAR Olivia Leboyer

Au cinéma depuis mercredi 29 février, Ce qu’il restera de nous est une magnifique tragédie familiale. Il y est question du renoncement de ses rêves. Le film a été primé au festival de Clermont-Ferrand : Grand Prix, Prix Télérama, Mention spéciale du Jury Jeunes. Rencontre avec Vincent Macaigne.

Notre critique du film, ici

Photo : Laure Calamy lors du tournage du film.

Ce qu’il restera de nous a trouvé le public en festival et sort, du coup, au cinéma. C’est une belle nouvelle.

Vincent Macaigne : Oui, je suis très heureux de cette sortie en salles. J’ai mené une vraie bataille avec ce film alors je suis content qu’il rencontre un public et touché que le cinéma Mk2 Beaubourg ait eu l’idée de programmer mon film alors que je n’avais aucun distributeur, ça c’est unique et c’est joyeux! Vraiment, ça donne de l’espoir, je crois.

Le film (qui dure 40 minutes) est court, mais très structuré, comme une tragédie classique ?

Vincent Macaigne : Il a effectivement une structure forte, une ossature de tragédie classique. C’est une tragédie au sens plein, qui peut parler à tout le monde. Le film dit des choses sur ce à quoi l’on renonce en vieillissant, sur un sentiment de perte irrémédiable. Mon travail artistique se fonde là-dessus : être dans le mouvement, dans la lutte, pour parler de cette perte qui a lieu, jour après jour et surtout, surtout, garder de l’humour et ne pas prendre au sérieux tout ce que je viens de dire!!!! oui garder ça, l’humour…

Dans le film, les personnages s’expriment beaucoup sur le mode du cri. Mais on a l’impression que ce cri est réfléchi, articulé. Il y a presque une métrique, une scansion ?

Vincent Macaigne : Oui, pour moi, ce n’est pas vraiment du cri. C’est une manière de parler très fort, pour se faire entendre. On crie, avant tout, pour réveiller l’autre. C’est ce que j’explique aux comédiens, qui sont au centre de mon travail, pendant les répétitions. On essaie d’instaurer une sorte de cri choral, fondé sur une énergie. Parfois, pour certaines séquences, 25 prises ont été nécessaires pour obtenir cette énergie-là. Le texte était très écrit, et parfois improvisé, nous avons beaucoup travaillé dessus, répété. Les moments d’improvisation des comédiens, curieusement, j’en ai gardé très peu au montage.

Le personnage de Thibault ressemble, au début du film, à un marginal. Mais, en fait, on s’aperçoit qu’il s’est construit un petit confort plus stable que son frère, qui est en apparence plus normal ?

Vincent Macaigne : au départ, le personnage de Thibault (les personnages portent les mêmes noms que les comédiens) a l’air d’un clochard céleste. Le spectateur le découvre errant dans la campagne. On le suit une journée entière, pendant l’enterrement auquel il n’assiste pas. Après, on découvre qu’il est en réalité intégré dans la société, presque petit-bourgeois, qu’il reçoit régulièrement de l’argent. Son frère, Anthony, lui, a renoncé à ses rêves sous le poids de ses obligations. C’est ce frottement-là qui m’a intéressé. Lorsque, dans la voiture, il s’en prend à sa femme, Laure, il y a comme un déplacement de la violence. A l’inverse, le personnage de Thibault ne pense qu’à son profit à lui. Aujourd’hui, il est rare de voir des gens amoureux qui ne sont pas dans l’aigreur. Rare de rencontrer des personnes qui donnent de l’énergie aux autres sans les rabaisser. Beaucoup sont dans l’arrangement, les petits accommodements : progressivement, ils abandonnent des choses, des idéaux. Pour moi, tout le monde, en réalité, a une existence tragique. Pas mélodramatique, comme les films ont tendance à le mettre en scène. Dans chacun de nous, il y a ce mouvement, ce conflit, fait de petitesse et de noblesse mêlées. Mon travail est complètement intime, j’exprime mon problème à moi, ma sensation d’être au monde : mais, en même temps, je crois que cela touche aussi à quelque chose de plus vaste, que chacun ressent.

Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, Ce qu’il restera de nous, deux titres avec une idée de projection, de futur antérieur ou de futur ?

Vincent Macaigne : Non, le titre ne reflète pas le film, ce n’est pas une clef. Les titres me viennent comme ça, ce sont de petits mondes. Ce qu’il restera de nous, c’est : ce qu’il restera de nos rêves. A quoi a-t-on renoncé avec le temps qui passe ? Il y a cette idée de perte, de quelque chose qu’on abandonne et qu’on ne retrouvera plus. Il y a une certaine forme de noblesse à le savoir et à se battre. À travers mes pièces et ce film, je veux me rappeler à quel endroit je dois être, à ce moment-là.

Ce qu’il restera de nous, de Vincent Macaigne, France, 40 minutes, avec Thibault Lacroix, Anthony Paliotti, Laure Calamy. Sortie en salles le 28 février 2012.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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