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[Interview] Costa-Gavras, parrain du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec 2016

[Interview] Costa-Gavras, parrain du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec 2016

08 November 2016 | PAR Geoffrey Nabavian

Le cinquième Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec voit son édition se dérouler jusqu’au 15 novembre. Au cinéma Le Trianon, à Romainville, une soixantaine de séances vont se succéder, en présence d’invités. Parrain de l’événement cette année, le cinéaste Costa-Gavras s’est confié à nous.

Costa Gavras Festival Franco arabe noisy le secCette semaine, le cinquième Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec (93) met à la fête les échanges entre cultures, à travers des œuvres projetées, pour l’essentiel, au cinéma Le Trianon, à Romainville (93). Petit frère du Festival du film franco-arabe d’Amman, en Jordanie, qui se déroule depuis 22 ans, il propose cette année vingt-cinq longs-métrages, et quinze films courts concourant pour quatre prix, parmi lesquels deux récompenses qui seront remises par le public…

Le réalisateur Costa-Gavras, actuel président de la Cinémathèque française à la longue filmographie, marquée par les réussites et par un caractère cosmopolite – on pense à Z, à Missing, à Music Box, L’Aveu, Amen… – est le parrain de cette édition 2016. Il s’est confié à nous.

Costa-Gavras, quelle histoire entretenez-vous avec le Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec ?
Costa-Gavras : J’ai connu le Festival en Jordanie, et lorsque j’ai su en 2012 qu’un festival du film franco-arabe allait désormais avoir lieu à côté de Paris, j’ai trouvé formidable que Laurent Rivoire, le maire de Noisy-le-Sec, accepte, et se charge de sa création. Car il n’y avait pas d’événement de ce type dans Paris et ses alentours : certains cinémas organisaient parfois des rétrospectives, mais une manifestation annuelle manquait, elle me paraissait très importante. Mon rapport à ce festival réside surtout dans mon admiration pour la qualité du travail qui y est fait : l’équipe nous donne la possibilité de voir vivre des mondes que l’on connaît mal, car aujourd’hui beaucoup de choses négatives se disent sur les mondes arabes.

Diriez-vous que ce sont les échanges culturels qui permettent d’éviter les stéréotypes, et d’affirmer l’unité ?
Costa-Gavras : La culture doit surtout être présente là ou les gens se retrouvent. La culture cinématographique est particulière à ce titre, car elle entretient une relation très directe avec le public : 200 personnes qui ne se connaissent pas sont rassemblées, devant une œuvre qui leur transmet des sentiments en commun. Je regrette que, dans toute l’Europe, il n’y ait pas davantage d’espaces où ce partage soit possible à grande échelle.

Un bon nombre de premiers films sont programmés dans le Festival 2016. Le voyage de ces œuvres à l’étranger constitue-t-il le meilleur moyen pour ces jeunes artistes de s’améliorer ?
Costa-Gavras : Oui, je le pense. D’autant plus que les réalisateurs, où qu’ils soient, luttent souvent, pour faire un film, parfois pour des questions de liberté d’expression, mais aussi en raison des volets financiers. En France, et c’est une chance, beaucoup de premiers films se font, et surtout beaucoup de coproductions sont montées. Certaines sont d’ailleurs présentes cette année au sein de la programmation du Festival. Le fait que des courts-métrages soient également montrés constitue donc une opportunité, pour leurs auteurs : celle de passer au long avec un peu d’aide.

Ouverture festival film franco arabe noisy le sec 2016En cette cinquième occurrence, le Festival se déroule toujours en banlieue parisienne. Est-ce important ?
Costa-Gavras : Très important, oui ! En banlieue, d’une manière générale, les cinémas sont rares. [Note : Noisy-le-Sec ne disposant pas d’un cinéma, les projections se déroulent dans la salle de la ville voisine, Romainville.] Grâce au Festival, douze jours durant, les habitants des environs ont la possibilité de voir beaucoup de films, parfois assez rares qui plus est. D’ailleurs, on remarque que les résultats sont brillants, en termes de fréquentation.

L’une de vos œuvres est ressortie récemment en salles : il s’agit de Missing, lauréat de la Palme d’or à Cannes en 1982. Pourquoi ce film-ci, précisément, revient-il aujourd’hui sur les écrans ?
Costa-Gavras : Cela m’a beaucoup surpris que des équipes fassent ressortir Missing. Mais en me rendant aux séances, j’ai constaté qu’il y avait beaucoup de gens venus pour le voir. Je suis heureux qu’une nouvelle génération de spectateur reçoive ce film-là, et qu’il leur parle. La salle offre une expérience collective pas commune : on y « regarde » un film très différemment, par rapport à chez soi.

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Vingt-cinq longs-métrages et quinze films courts sont présentés cette année au Festival. Ouverte avec The curve, du réalisateur jordanien Rifqi Assaf, la programmation voit passer les inédits Maintenant, ils peuvent venir, du franco-algérien Salem Brahimi, Le Ruisseau, le pré vert et le doux visage, nouvelle œuvre de l’égyptien Yousry Nasrallah (La Porte du soleil, Après la bataille), Hedi, film du tunisien Mohamed Ben Attia récompensé à la Berlinale 2016 (on l’y a vu, notre critique est à lire ici), 3 000 nuits, de la réalisatrice palestinienne Maï Masri, Moi, Nojoom, 10 ans, divorcée de la cinéaste Khadija Al Salami, originaire du Yémen, ou Tour de France de Rachid Djaïdani (notre critique ici).

On peut aussi y revoir Chouf (notre critique ici), Divines (critique ici), La Vache (critique ici) ou le très réussi 10 949 femmes qu’on avait pu découvrir au Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient 2016. Avec, bien souvent, les auteurs dans la salle. Pour la clôture, c’est D’une pierre deux coups (critique ici) qui sera au programme, précédé d’une performance live de la slameuse Tata Milouda. Un autre hommage musical aura lieu le 9 novembre, saluant Oum Kalsoum. Outre un salut aux 30 ans de la Fémis à travers des courts – on y notera la présence de Leyla Bouzid, signataire d’A peine j’ouvre les yeux (critique ici) – des séances et parcours à destination du jeune public, ou la participation, pour une journée, de l’artiste JR, un focus viendra très justement saluer le cinéaste égyptien Mohamed Diab, auteur des Femmes du bus 678 (critique ici) et de l’excellent Clash (critique ici).

Le Festival du film franco-arabe est organisé par la ville de Noisy-le-Sec, en partenariat avec le cinéma le Trianon, Est-Ensemble et en collaboration avec le Festival du film franco-arabe d’Amman en Jordanie. Il a lieu du 4 au 15 novembre 2016.

Visuels : © Trianon

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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