Cinema
Hallucinations collectives : 9ème édition

Hallucinations collectives : 9ème édition

23 March 2016 | PAR Laurent Deburge

Si au printemps les brumes lyonnaises semblent se dissiper, il ne faut pourtant pas se fier aux apparences ni à l’azur triomphant qui hante un ciel trop clair. Car Lyon, ville des frères Lumière et donc de la naissance du cinéma dans une salle obscure, est aussi une capitale de la magie, ainsi que le rappelle Pacôme Thiellement dans son dernier opus Cinema Hermetica (Super-8 éditions).

Le festival « Hallucinations Collectives » qui a ouvert hier sa neuvième édition, au cinéma Comoedia, confirme que les films étranges, insolites, et pour tout dire « invus » telles qu’on peut qualifier d’inouïes certaines musiques, sont particulièrement bienvenus dans la capitale des Gaules.

Ce qui était au départ le pendant lyonnais de « L’Etrange festival » parisien a su trouver sa voie et affirmer son indépendance. Sous la férule de Cyril Despontin et d’une équipe de programmateurs ardus et passionnés, le cru 2016 s’annonce sanglant, terrifiant et hyper-violent bien sûr, mais aussi féministe, érotique et bien entendu bizarre.

La grande invitée de cette année n’est autre que Lucile Hadzihalilovic, réalisatrice et monteuse dont le dernier film, Evolution, est actuellement sur les écrans. La collaboratrice de Gaspar Noé a carte blanche et présentera trois films dérangeants (Lettres d’un homme mort du soviétique Konstantin Lopouchanski, L’incinérateur de cadavres du tchèque Juraj Herz et Prison de cristal de l’espagnol Agusti Villaronga) ainsi que son premier long-métrage Innocence.

Côté avant-premières, le festival a ouvert avec Hardcore Henry du russe Ilya Naishuller, filmé intégralement en caméra subjective selon les canons des jeux vidéos FPS (« first-person shooter »). C’est hyper-violent mais assez drôle par moments, un véritable film de geek pour les geeks, mais le mouvement trépidant permanent finit par fatiguer l’œil et donner la nausée. Aussi brillante que soit la réalisation et le montage le cinéma n’arrive pas encore à restituer le regard humain, plus complexe de par sa stéréoscopie, son ultra-stabilisation et sa profondeur de champ soumise à l’intentionnalité, qu’un objectif de caméra, même sophistiqué. Quelques idées humoristiques sauvent le film du premier degré, comme un joli moment de comédie musicale par des avatars clonés télécommandés par un infirme, qui s’évanouissent ou prennent vie successivement dans une danse continuée.

Très attendu, Alone de Thierry Poiraud, invité du festival, co-éalisateur d’Atomik Circus, le Retour de James Bataille en 2004, s’annonce comme une dystopie paranoïaque sur fond d’épidémie de violence intergénérationnelle. Blind Sun, premier long-métrage de la réalisatrice grecque Joyce A. Nashawati, habituée du festival, devrait quand a lui plonger les spectateurs dans la fournaise d’une expérience caniculaire. Le film Der Nachtmar de l’allemand Akiz, annoncé comme électro et stroboscopique, fait également partie des favoris de la compétition.

Mais un festival, au-delà d’une compétition de films en exclusivité, c’est surtout l’occasion de parfaire sa culture cinéphilique et d’explorer des thématiques excitantes. La sélection « les singulières » s’intéresse aux personnages féminins per se selon la typologie établie par l’auteur de BD Alison Bechdel : « il faut qu’un film mette en scène au moins deux femmes ayant entre elles une conversation  qui ne concerne pas un homme ». L’occasion de voir ou revoir Black Moon de Louis Malle (1975), La fille qui en savait trop du grand « gialliste » Mario Bava (1963), Créatures célestes de Peter Jackson (1994) ou le terrible Der Fan d’Eckhardt Schmidt (1982).

Comme érotique et fantastique sont les deux mamelles d’une même obsession scopique, une petite rétrospective Jess Franco, l’espagnol aux 200 films permettra d’étancher les pulsions honteuses que tout spectateur de cinéma devrait assumer. Les titres parlent d’eux-mêmes : Les inassouvies, Le cabaret des filles perverses et Crimes dans l’extase

A ce titre, il convient de rappeler qu’Hallucinations collectives est un festival pionnier de la diffusion de films classiques restaurés, avant le festival Lumière qui n’est que son cadet, avec d’autres moyens, il est vrai. Quand un festival ose une vraie recherche, et s’affranchir de l’actualité des ressorties DVD, cela mérite d’être salué, et soutenu…

D’autres curiosités ainsi qu’une compétition de courts-métrages sont encore à découvrir jusqu’au 28 mars.

Laurent Deburge

Teaser Hallucinations Collectives 2016 from ZoneBis on Vimeo.

Hallucinations collectives, du 22 au 28 mars 2016

Au cinéma Comoedia, 13 avenue Berthelot, 69007 Lyon

Le programme complet ici :

http://www.hallucinations-collectives.com/

Infos pratiques

Un Platonov flamand qui prend aux tripes
Tellurique Sonia Wieder-Atherton portée par l’énergie vitale de Nina Simone
Laurent Deburge

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration