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Gérardmer 2014 : du sang neuf chez les monstres de cinéma

Gérardmer 2014 : du sang neuf chez les monstres de cinéma

03 February 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

Un chef de file du cinéma « trash », son digne héritier, une beauté abonnée aux univers « underground », une autre qui sait rendre même les dialogues excitants, un réalisateur adepte des connexions entre les mondes parallèles et un écrivain de science-fiction. Ceux-là étaient tout désignés pour siéger dans un même jury, à Gérardmer, lors du Festival du film fantastique. Ils y ont distingué deux films qui s’annoncent comme des pépites.

Jan Kounen, Kim Shapiron, Roxane Mesquida, Vahina Giocante, Juan Solanas, Alain Damasio. Que cette équipe, composée de cinq français et d’un franco-argentin, ait choisi, lors de l’édition 2014 de Gérardmer, de remettre au japonais Sabu le Grand Prix n’étonne guère, au départ : ses deux films sortis en France, Postman blues (1997) et Monday (2001) étaient particulièrement riches en yakuzas, en univers glauques, en morts, en humour, en délires de toutes sortes. Cependant, avec ce film présenté cette année au Festival du film fantastique et récompensé, Miss Zombie, il a l’air d’avoir frappé un grand coup. Imaginez une morte-vivante s’occupant des tâches domestiques au sein d’une famille japonaise. Imaginez qu’elle provoque en cette dernière des bouleversements libidinaux, façon Théorème de Pier Paolo Pasolini. Imaginez cette histoire sous un soleil de plomb, enveloppée dans du noir et blanc, avec force effets esthétiques et un rythme lent. Sabu serait-il parvenu à transcender une bonne fois pour toute la figure du mort-vivant, si présente ces dernières années dans le cinéma mondial ? Aurait-il compris que la plus inquiétante étrangeté de ce monstre se montre lorsqu’il est placé dans un cadre commun ? Que du banal jaillit le pire ? Réponse très bientôt.

The BabadookEt puis, un autre film a fait sensation à Gérardmer. Il a raflé le Prix du jury, le Prix de la critique, le Prix du public et le Prix du jury Jeunes du Conseil régional de Lorraine, composé de lycéens. Son nom : The Babadook. L’histoire d’un livre mystérieux, aux images effrayantes, qui apparaît dans la bibliothèque d’un enfant. Lui et sa mère vont dès lors se trouver, du fait de sa lecture, confrontés à une force surnaturelle qui n’est autre que le « Mister Babadook » du livre. « Pas très neuf », nous direz-vous ? « Australien », on vous répondra. Ce film de Jennifer Kent a l’air, d’une part, de vouloir retrouver l’atmosphère du cinéma fantastique australien, façon Peter Weir –Pique-nique à Hanging Rock (1975), La Dernière Vague (1977)- très proche de la nature, mais en même temps connecté aux codes d’aujourd’hui. Apte à réveiller nos peurs vis-à-vis des contes de notre jeunesse… D’autre part, la vision de la bande-annonce met l’eau à la bouche : mise en scène qui semble tendue et serrée, décor de maison oppressante, suggestion… Un nouveau monstre de cinéma va-t-il naître, et d’inévitables suites se profiler ? Réponse très bientôt.

Beau travail, en tout cas, messieurs dames. Rien que pour l’intérêt que vous suscitez par vos choix, bravo. Un autre film, Rigor Mortis, de Juno Mak, histoire de vampires à Hong-Kong sur fond d’arts martiaux, s’est vu remettre, en ex aequo, le Prix du jury ; l’américain Ti West a remporté le prix Syfy, jury de fous de science-fiction, pour son Sacrament, histoire de communauté religieuse qui cache des secrets noirs ; et Adan Jodorowsky, fils d’Alejandro, a vu son court-métrage The voice thief être récompensé.

On s’arme de patience, on attend, on espère frissonner et ne pas être déçu. N’oubliez pas : peu d’effets, beaucoup d’atmosphère, des détails insidieux qui surgissent et hop, on a peur. Gérardmer, sois à la hauteur.

Visuel: © affiche de The Babadook, 2013

Cette fille a du style de Marie-Sophie Vermot
L’île aux Chiens d’Aurore Callias
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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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