Cinema
[Étrange Festival 2018] “Killing”, un Tsukamoto à la mise en scène confuse

[Étrange Festival 2018] “Killing”, un Tsukamoto à la mise en scène confuse

14 September 2018 | PAR Geoffrey Nabavian

En Compétition à la dernière Mostra de Venise, ce nouveau film de Shin’ya Tsukamoto fait à présent sa première en France, à l’Étrange Festival 2018. Si ses thèmes sont forts, sa mise en scène passionne peu.

[rating=2]

Plus de vingt ans après sa révélation en France, le japonais Shin’ya Tsukamoto répond présent une fois encore au sein de la programmation de l’Étrange Festival, dans la section Compétition Internationale (qui verra, dimanche 16 septembre, le Grand Prix Nouveau Genre et le Prix du Public être remis). Le cinéaste qui signa Tetsuo, Bullet Ballet, Tokyo Fist et Gemini s’essaye aujourd’hui au film de sabre. Ses images violentes, hallucinantes et hantées par des pulsions morbides se sont assagies : ce faisant, elles ont aussi un peu perdu de leur force et de leur ludisme… Killing est un très court film (1h16) qui porte en lui des thèmes forts, que la mise en scène rend un peu sans relief, hélas.

Ce film de sabre est original : il prend place dans un minuscule village perdu dans la campagne japonaise, en un temps indéterminé. Un tout jeune samouraï sans maître (joué par le très sensible acteur Sosuke Ikematsu, bientôt à l’affiche dans Une affaire de famille, Palme d’or à Cannes 2018) y habite, et s’y entraîne, avec pour amis les membres de la principale famille installée là. Un groupe de guerriers errants à l’attitude peu avenante, et un samouraï plus âgé, sans maître lui aussi et très coriace, vont venir perturber cette situation.

L’intérêt de Killing est de développer toute l’action au sein de cet espace très réduit, et de dérouler un scénario fondé sur le code de conduite de ses personnages principaux, plongés dans des principes immuables. Dans ce contexte à l’horizon pas étendu, dont le film ne s’écarte jamais, tous les personnages principaux sont soumis à des conflits intérieurs : rester au village pour le défendre, ou partir ? tuer, ou juste se faire respecter ? avoir confiance en soi ou chercher à devenir plus fort encore ?… À travers ces déchirements, le contexte ancestral du scénario est rendu tout à fait perceptible. Ces personnages aux caractères fouillés (interprétés, de surcroît, par des acteurs qui donnent tout) font l’intérêt du film.

Malheureusement, la mise en scène met trop souvent ces thèmes à distance, du fait d’un excès d’effets. Le film comporte peu d’affrontements au sabre : deux scènes (dont une assez longue) remplissent ce rôle. Mais elles sont bizarrement plutôt mal mises en scène : la caméra du réalisateur virevolte dans les airs, comme si elle était tenue au poing, et rend les coups portés très confus. A ce titre, un autre duel, d’une lenteur extrême, qui se déroule au début du film, paraît plus intéressant à regarder. D’autre part, si la plupart des scènes de dialogue apparaissent plutôt intéressantes et bien jouées, donc propre à définir de bons enjeux, des séquences montrant les personnages hésitants et égarés s’invitent, vers la fin du film, et imposent brutalement fondus enchaînés et plans biscornus à outrance, égarant le propos et l’attention du spectateur.

Et de surcroît, la forêt, dans laquelle se déroulent de nombreuses scènes, n’est pas très bien filmée : elle fait peu réaliste, elle paraît aménagée par l’homme comme au XXIe siècle… Peut-être a-t-elle un rôle métaphorique. Elle semble en tout cas assez artificielle, au même titre que les séquences où les effets prennent le pas sur l’émotion. En manque de sobriété, par rapport à son sujet – malgré des efforts voyants – Shin’ya Tsukamoto ennuie un peu, avec ce film de sabre…

L’Étrange Festival, où on a pu découvrir les bien plus convaincants The field guide to evil, ou The Dark, se poursuit jusqu’au dimanche 16 septembre.

Killing, un film de sabre de Shin’ya Tsukamoto. Durée : 1h16.

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Visuels : © Kaijyu Theater

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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