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Entrevues fête son 30e anniversaire ! Entretien sur la programmation du Festival avec Lili Hinstin

Entrevues fête son 30e anniversaire ! Entretien sur la programmation du Festival avec Lili Hinstin

09 November 2015 | PAR Yaël Hirsch

Le festival Entrevues de Belfort est le lieu où les équipes des Toutes La Culture et les distributeurs d’Europe vont dénicher des nouveaux talents. Festival très ouvert au public, il ouvre toujours ses compétitions de premières à troisièmes courts et longs métrages à des rétrospectives, cartes blanches et autres cycles éclairant l’histoire, le présent et le futur du 7e art. Alors que Entrevues fête sa 30e édition du 26 novembre au 6 décembre 2015, l’heure est au bilan des talents que le festival a aider à émerger. Les archives sont désormais disponibles en ligne et la directrice artistique du Festival, Lili Hinstin, nous aide à faire le point sur le programmation anniversaire de ce festival que nous irons, comme chaque année, couvrir avec joie. Rencontre.

Trente ans, est-ce l’âge de raison ?

Oui, comme la Femme de trente ans, de Balzac, c’est la maturité. Mais en même temps, comme le festival se place dans une démarche de défrichage, est tellement tourné vers le futur, on ne peut pas trop parler de « maturité ». Ce que je trouve beau, c’est que ça fait trente ans qu’on dialogue, qu’on s’entretient à Belfort du rapport entre passé et futur. Et si je peux vous avouer quelque chose, en fait, le festival 47 ans. Pourquoi annonce-t-on trente ans alors? C’est une longue histoire. Je me suis plongée dans les archives et pour essayer de comprendre l’histoire du Festival qui est très belle … Le Festival a commencé vraiment en 1969 avec les films des écoles françaises comme Louis Lumière et la Femis pour montrer des films qui sinon n’avaient aucune vie. On y voit les premiers films de Pascale Ferrand ou Claire Simon. Ce n’est qu’après un temps qu’il y a eu une compétition entre des longs métrages et enfin plus tard qu’il y a eu des sections rétrospectives. Pourquoi est-on à la trentième donc ? Parce qu’on est dix ans après la vingtième. Au début on ne comptait pas et tout d’un coup en 2005 c’est la 27eme. Mais que cela soit 30 ou 47 ans, ce qui est sur, c’est que c’est un festival qui a une histoire et que c’est passionnant de la relire, de voir quels sont les cinéastes qui sont restés, quels sont ceux qui ont disparu, de voir leurs parcours. Le fait que notre festival soit hors industrie lui donne un aspect moins volatile qu’un événement commercial.

Pour fêter cet anniversaire, vous avez proposé à des “anciens” de Belfort de jouer à un jeu de cadavre exquis… parmi eux : Miguel Gomes, Alain Gomis, Yorgos Lanthimos, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, Sébastien Lifshitz, Jafar Panahi, Nicolas Philibert, Joao Pedro Rodrigues, Alex Ross Perry, Claire Simon et Abderrahmane Sissako …

C’est un travail très long qui m’a pris deux mois. Et leur raconter le cadavre exquis ce n’était pas évident. Je connaissais certaines personnes mais je ne les connaissais pas toutes personnellement. Et je leur ai écrit et j’ai reçu en retour de super beaux messages. De la part de ceux qui ont participé mais aussi de ceux qui n’ont pas participé, parfois. Le souvenir pour des cinéastes confirmés. Noémie m’a dit qu’elle y avait montré son premier court et combien le festival était important pour elle. On vit quand même une période assez difficile pour la culture, on est dans une année qui a vu la disparition d’un certain nombre de festival. Là on est dans une période où la politique culturelle publique est en danger et est remis en question pour différentes raisons, la culture est redevenue un peu le parent pauvre des collectivités et on est dans une société où les gens qui donnent de l’argent veulent de la visibilité donc des choses connues. Donc un festival qui montre des premiers fils et des jeunes cinéastes montre par définition des œuvres et des réalisateurs pas connus. Dans ce contexte, c’est intéressant de pouvoir revenir sur le parcours du festival, comme sur la vie de quelqu’un, et en re-parcourant sa personnalité, on prend acte de cinéasted très reconnus dans le monde aujourd’hui comme Yorgos Lanthimos, qui ont montré leurs premiers films courts ou longs à Belfort. Avant la reconnaissance, il y a souvent plusieurs films courts ou longs et Belfort prime ces films.

Et vous organisez un cycle autour de l’année officielle de naissance du festival, 1986 ? C’est rare non de choisir une année comme cela ?

Oui, cela a peut-être eu souvent lieu en art, par exemple l’exposition 1917 à Pompidou Metz mais une coupe franche comme ceci a rarement lieu en cinéma. Ne pas partir de l’évènement comme le centenaire de la Première Guerre l’an dernier, mais partir de l’année de la création d’Entrevue. La première chose que j’ai pensé pour cette rétrospective c’est le Ginger et Fred de Fellini qui date de 1986 et qui sera le film d’ouverture. C’est la société du spectacle de Guy Debord, mais avec de l’intime. C’est un film hallucinant qui arrive juste après 1985 et le rachat de la télévision française la Cinquième par Berlusconi. La question de la télévision privée et du nouveau rapport aux médias, ce n’est pas la guerre, mais c’est un changement crucial dans nos vies. C’est un événement historique majeur, même s’il est moins compacté dans le temps qu’un attentat qui va déclencher un conflit mondial. Et Fellini en prend acte avec une lucidité et une dérision impitoyables.

Serge Bozon a joué au jeu du cadavre exquis mais il va aussi mixer ?

C’est super, il fait toute une soirée. Au début il a tout simplement accepté de participer au cadavre exquis. Ensuite j’ai vu son nouveau film à Locarno. Il est extra ! Je lui ai proposé qu’on le montre et comme c’est un film chanté et chorégraphié, l’auteur du film est aussi chanteur et compositeur de la musique. Il avait composé la musique de Mods et de la France. Ils travaillent ensemble depuis longtemps. Du coup Mehdi Zannad fait un concert à la suite du concert sous le nom de scène de « Michel Ciment » il va nous faire danser pour une soirée endiablée à la Poudrière. Et dans le cadre du cadavre exquis, il a choisi un film rare et très beau de Marianne K, un cinéaste géorgien comme. Un film sur des soldats russes à la libération. Qui occupent un village allemand. Et puis à un moment ils se retrouvent à visite un grand camp de concentration déserté juste à côté. C’est tourné dans les années 1960 à un moment où les camps sont tels quels et où les Soviétiques ne reconnaissent pas du tout la Shoah, n’en parlent pas et dans ce film, ils font allusion à la mort des Juifs.

Pouvez-vous nous parler de Laurent Roth qui vient à plus d’un titre et aussi pour la projection de la version restauré de son trè beau film (re)vu à Cannes, Les yeux brûles?

Il a une histoire très longue avec le festival. Il a montré son film les yeux brulés en compétition en 1987. Il vient avec Mireille Perrier pour montrer ce film. Et il présentera aussi un film qu’il a fait à partir de l’une de ses pièces de théâtre avec Mathieu Amalric. Il a aussi écrit un des films qui est en compétition qui est un film libanais et qui s’appelle trêve. Il fait plein de choses ! A part ça, il faut savoir que Laurent Roth a fait partie du comité de sélection d’Entrevues.

Avoir Marilyn Canto dans me jury pour cette 30e édition, c’est aussi mettre en avant une actrice et réalisatrice “maison” ?

Elle a gagné le prix du public avec son premier court métrage c’est un festival qui lui tient beaucoup à cœur et elle nous l’écrit à chaque fois.

Vous continuez à défricher les frontières avec le prix One+One qui fait le lien avec la musique…

Cette année le parrain one +,one c’est Hamé de La Rumeur. Il est aussi réalisateur Il était en sélection à Cannes cette année pour son premier court, Ce chemin devant toi, qui a aussi gagné le prix de la photo à Clermont-Ferrand. Là il est en train de finir son premier long, il travaille tout le temps avec Reda Kateb. C’est un grand cinéphile, il a été un élève de Nicole Brenez avec qui il a commencé sa thèse, son spectre est très large et il est parfait pour Belfort, je suis très contente de l’accueillir.

Pour l’intégrale cette année, après Kyoshi Kurosawa l’an dernier, vous regardez encore vers l’Asie avec Bong Joon Ho

Oui l’Asie à nouveau. même si le Japon et la Corée ce n’est pas pareil, Bong Joon Ho est sur un autre registre que Kurosawa. Il est pus dans la science-fiction, et même plus dans le genre puisque Kurosawa qu’on a mis en avant l’an dernier a inventé son propre genre en transformant le film de fantômes japonais. Bong c’est surtout un très grand metteur en scène je ne veux pas être dans le film de genre en soi et pour soi, à chaque fois l’enjeu pour Belfort c’est de montrer que le cinéma de genre est le territoire qu’ont choisi certains très grands cinéastes pour s’exprimer. Et je suis très contente pour cette rétrospective-là c’est qu’on a réussi à trouver tous ses courts métrages qu’on va montrer pour la première fois en France

Voulez-vous nous parler du réalisateur Géorgien que vous mettez en avant dans la Fabrica ?

Otar Ioselliani est moins connu que Doillon et Gatlif mais je pense que Chant d’hiver qui sort en France le 25 novembre est peut-être son dernier film. Il est très important dans l’histoire du cinéma na pas eu de rétrospective depuis longtemps. Accompagner l’actualité sur de grandes figures est crucial pour nous, ne nous pouvons pas nous laisser guider par la seule notoriété…

Visuel : affiche du festival

Infos pratiques

Gagnez 3×2 places pour le concert de Mariana Ramos au New Morning le 27 novembre
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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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