Cinema

Des Trous dans la tête : l’imagination d’un cinéaste à part

27 September 2008 | PAR loic

trous dans la tête, gu maddin, cinéma, indépendant, underground, isabella rosselliniAprès The Saddest Music in the World, Guy Maddin revient avec un film tout aussi fantasmagorique : l’histoire torturée d’un orphelinat isolé sur une île et dirigé par une mère castratrice. Comme à son habitude, le réalisateur reprend à son compte l’esthétique des films muets des années 10-20. Bien plus qu’un simple hommage à un cinéma disparu, c’est une réussite.

À la vision de ces Trous dans la tête, on se rappelle à la fois Murnau et Louis Feuillade. Murnau, pour ce qui est de l’esthétique. Chaque plan du film est rigoureusement soigné, aucun n’est à jeter même si le montage est particulièrement rapide et ne laisse pas le temps de s’attarder sur la composition de chaque image. Murnau, certainement le plus grand cinéaste du muet, était une référence inévitable pour Maddin, puisque c’est précisément de ce cinéma qu’il vient. L’influence de Louis Feuillade, cinéaste moins « sérieux », plus accessible que Murnau, est dans la narration. L’histoire du film est aussi fantasmée que l’est celle des Vampires ; des rebondissements à la pelle, une vision assez enfantine du monde. Mais ici, on est bien au-delà de l’hommage. Car il faut bien se rendre compte que malgré tout le génie de Murnau, le rythme du Dernier des hommes a sérieusement mal vieilli. Aussi, Guy Maddin a su faire du cinéma muet un cinéma moderne.
Les images du film sont très rapides. Les émotions naissent des chocs entre les différents éléments du film : images, musique, bruits, narration (Isabella Rossellini). La grande force du film est donc de désacraliser l’image seule pour privilégier ces chocs. À l’inverse de chez Murnau, on ne s’attarde pas  trop lourdement sur la puissance signifiante de chaque plan. Dès lors, Guy Maddin parvient avec brio à adapter l’esthétique du cinéma aux attentes du spectateur d’aujourd’hui. En terme d’efficacité, de suspense et de rebondissements, ce film muet n’a rien à envier aux blockbusters hollywoodiens.


L’idée d’un cinéma underground n’est pas toujours très séduisante. On pense à un cinéma sans moyens, aux idées incompréhensibles. Ici, ce n’est pas le cas car Des trous dans la tête parlera à tout le monde. Il y a quelques éléments scénaristiques très touchants : surtout le personnage de Chance/Wendy, androgyne dont le héros et la soeur sont amoureux. Guy Maddin a bien raison de sortir des sentiers battus, cela lui permet de faire des films à fleur de peau, très sensibles. En cela, Des trous dans la tête est presque un film d’enfant : souvenirs d’enfance d’un homme resté enfant, histoire racontée comme un conte pour enfants découpée en chapitres, .etc. Cette vision juvénile, il fallait à Guy Maddin aller la chercher dans la jeunesse du cinéma.
Paradoxalement, ce film underground touche le spectateur comme le ferait n’importe quel film grand public : on est entraîné dans les péripéties en cascade et l’ambiance envoûtante, mais sans jamais percevoir le sens de tout cela. Pas de revendications artistiques ni de message clair. Guy Maddin a créé un petit bijou. Mais il est aujourd’hui un cinéaste sous-estimé car mal mis en valeur par ceux qui distribuent ses films. Contrairement à ce que laissent penser les apparences, ses films peuvent intéresser plus de spectateurs qu’on le croit…

Des trous dans la tête, de Guy Maddin. 1H35

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One thought on “Des Trous dans la tête : l’imagination d’un cinéaste à part”

Commentaire(s)

  • Bonjour Loïc,

    Merci pour cette critique très intéressante.
    Mais une chose m’a fait tiqué, la phrase “Mais il est aujourd’hui un cinéaste sous-estimé car mal mis en valeur par ceux qui distribuent ses films”.

    En tant que distributrice des films de Guy maddin en France cette phrase m’a interpellée. En effet nous faisons le nécessaire pour que justement les films de Maddin soient le mieux distribués possible tant au cinéma qu’en DVD (nous sommes également les éditeurs DVD des films de Guy Maddin) mais ce n’est pas chose facile. En effet nous ne sommes que trois à ED Distribution et c’est quelque peu difficile de continuer à sortir des “petits films” face à la déferlante des sorties de films chaque semaine…mais nous continuons à résister!

    A bon entendeur salut!

    Marie
    ED Distribution

    October 1, 2008 at 16 h 14 min

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